C’est dans un paysage des plus cézanniens que se déroule le festival de blues de Meyreuil, avec une montagne Sainte-Victoire teintée de rose au coucher du soleil. La programmation fait la part belle à des artistes internationaux si bien que l’on se demande si l’Arc ne pourrait pas être un affluent du Mississippi ! Ou même du Rio Grande : le premier soir la programmation alignait en effet deux formations texanes.
Deux soirs, deux continents
Le chanteur/guitariste Mathias Lattin, à la tête d’un power-trio, a délivré un set incandescent et exigeant, avec des inclinations jazzy bien senties : voix mezzo-soprano soulful, jeu de guitare virtuose évoquant Wes Montgomery, avec un bassiste et un batteur qui l’accompagnaient sur des grooves évocateurs de la Motown ou de Stax, sans oublier quelques accents hispaniques – proximité du Texas avec le Mexique oblige. La chanteuse Sue Foley, elle, a conquis le public à la tête d’un quintet jouant aussi bien avec les codes du rock’n’roll tex-mex que ceux du jazz (le guitariste cite Charlie Parker lors d’un solo). En maîtresse femme, cette musicienne/chanteuse originaire du Canada se lance dans des joutes guitaristiques débordantes de pentatoniques avec ses compagnons de jeu, quand elle ne rend pas hommage aux premières blueswomen, s’accompagnant de sa seule guitare acoustique pour des séquences qu’on croirait éternelles -entre autres, une reprise de Memphis Minnie.
Voix d’Europe, voix du monde
On retrouve quelque part ce « pays où naquit le blues », auquel le musicologue Alan Lomax a consacré ses recherches, avec ici une dimension féministe plus que bienvenue. Le second soir était consacré à des formations européennes, toutes deux conduites par des chanteuses aux charismes certains. Véronique Gayot emporte l’adhésion d’un public de connaisseurs avec une voix féline, et un groupe de musiciens s’adonnant à un blues rock des plus efficaces.
Justina Lee Brown, chanteuse d’origine nigérianne installée en Suisse alémanique, s’empare de la scène avec une conviction rare délivrant ses messages humanistes (parfois en yoruba) avec une voix oscillant entre la puissance d’une Tina Turner et la profondeur d’une Miriam Makeba. Avec son groupe, excellent de musicalité nuancée, elle conduit le public aux confins de l’afrobeat -ce qui eut l’heur de déplaire à quelques pseudo-puristes du « blues blanc ».
LAURENT DUSSOUTOUR
Le Blues Roots Festival a eu lieu du 11 au 13 septembre à Meyreuil
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