Depuis que Serge Dantin, directeur artistique des Rencontres Internationales Sciences et Cinéma [Lire notre entretien ici], a ouvert la ligne du festival pour inclure toutes les sciences, humaines comprises, il y en a pour tous les goûts. Adeptes des films expérimentaux ou des sciences « dures » y trouvent bien-sûr encore leur compte, mais de plus en plus aussi, ceux qui apprécient l’art de la narration et l’incarnation par des personnages bien campés. Car ces outils sont décidément très efficaces pour accompagner la réflexion, découvrir un savoir, quel que soit le champ disciplinaire.
Les femmes, le patriarcat et le capitalisme
Lors du lancement de la 15e édition, le 10 décembre au cinéma La Baleine, cela se prêtait particulièrement bien au thème de la soirée, l’émancipation féminine. Deux documentaires étaient au programme, avec pour point commun un usage convainquant du dessin. Un procédé qui, n’étant pas directement arrimé au réel, décuple le pouvoir évocateur du cinéma, en renforçant l’impact de la matière sonore, et réciproquement. Les filles c’est fait pour faire l’amour, court-métrage de 15 minutes, a pour matière première trois entretiens réalisés par la sociologue Emmanuelle Santelli. Ses « enquêtées » ont accepté que leurs voix soient utilisées. Et le résultat est remarquable : loin d’un travail académique, le film condense l’expérience du patriarcat auquel toutes sont confrontées, pour montrer ce que les trajectoires individuelles ont de générique. À quel niveau d’intériorisation de ses exigences faut-il en être pour se dire « je dois être une bonne partenaire sexuelle, de sorte que mon compagnon puisse s’en vanter auprès de ses copains » ? La prise de conscience et le récit de leur émancipation est très émouvant.
C’est le cas aussi du long format de Daniela de Felice, 66 minutes aussi brûlantes que son titre, Ardenza. Elle y décrit, à la première personne, vie sentimentale et engagement politique, entremêlés dans l’Italie des années 1990, alors que l’orage social gronde face au capitalisme et aux résurgences fascistes. Ses dessins à la plume, ses aquarelles (la réalisatrice a étudié la narration visuelle à Bruxelles) apportent une grande intensité à ce regard féminin sur cette période effervescente. La qualité littéraire de son texte y est aussi pour beaucoup. N.B. : pour ceux qui ont raté la projection, les deux œuvres sont accessibles en ligne.
GAËLLE CLOAREC
Le festival Risc s'est déroulé du 10 au 14 décembre, dans plusieurs salles de Marseille
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