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Hymne au grand-père

Dans les pages vibrantes d’Aucune nuit ne sera noire, l’écrivaine franco-sénégalaise Fatou Diome déploie l’art d’ensoleiller le deuil

Ce petit bijou littéraire d’une tendresse bouleversante est l’hommage vibrant de l’autrice à son grand-père Mâma Kôrmâma. Humble, sage, lettré, ce grand-père philosophe et son épouse vont élever Fatou sur une île du Saloum (Sénégal).

Le livre débute lorsque la maman de l’autrice décède. Cette génitrice, « tombée » enceinte très jeune, la petite fille la considère plus comme une grande sœur que comme une mère. Quant à son père, il s’est envolé à sa naissance. Retournée au village pour les obsèques, la jeune adulte pressent qu’il s’agit aussi de son dernier séjour auprès de son grand père vieillissant. 

Dans ce roman, Fatou Diome déroule son enfance, son adolescence et sa vie d’adulte, guidée par la présence de ce grand-père qui même au loin, veille constamment sur son bonheur. Elle évoque avec une ferveur pudique les après-midis d’apprentissage, les leçons de patience transmises au fil des jours par ce Mâma extraordinaire. Ancien pêcheur de métier, le « capitaine » s’est toujours tenu droit avec bienveillance au côté de son « petit matelot », lui apprenant à ramer encore et toujours même dans les plus grandes tempêtes de la vie.

Rôdeuse des ombres

« Tant que nous aimons, aucune nuit ne sera noire », cette phrase résonne comme le fil conducteur de l’ouvrage qui est aussi une exploration des ponts entre Afrique et Europe. La France est là, incarnée par la ville de Strasbourg où Fatou a fait sa vie, au départ pour suivre un mari blanc, puis en devenant professeure et écrivaine, confrontée aux douleurs de l’exil, à deux temporalités, à deux territoires dans lesquelles elle est devenue ou reste une étrangère. 

« Où que je sois, où que le soleil m’éclaire le pas, où que la lune veille mon écriture, mes deux terres s’accolent, s’ajustent sur la même page »confie-t-elle avec poésie dans ce récit qui reste fondamentalement sénégalais dans son âme, ancré dans la terre du Saloum, entre océan et palétuviers, là où les ancêtres, ces « Veilleurs » fauchés par la « Rôdeuse des ombres » parlent encore par les voix du vent et guident les vivants. 

Ce roman n’est pas linéaire : il ondule comme une pirogue suivant les courants, dans des allers retours constants, comme les flux et reflux des vagues, « en dehors des voyages d’agrément, peut-on voyager sans déchirure à l’âme ? Émigrés, immigrés, nous voyageons avec nos points de suture ». 

La langue riche, imagée, chantante, traversée de proverbes, d’images solaires, de formules héritées du conte, puise aux ancêtres, et aux sources de la lagune sénégalaise. Au-delà d’une narration autobiographique, l’œuvre est un chant d’amour transgénérationnel et un manifeste d’espoir contre les ténèbres du deuil. C’est une expérience sensible, presque spirituelle du sens que l’on peut donner à la perte d’un être cher. Par sa beauté formelle, sa profondeur humaine, sa puissance consolatrice, le livre de Fatou Diome s’impose.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Aucune nuit ne sera noire, de Fatou Diome 
Albin Michel - 21,90€
Paru le 20 août

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