Première scène : à l’avant-scène, une directrice d’école primaire, volubile mais attentive, reçoit à son bureau une maman effacée, au sujet de son fils dont le comportement de repli inquiète. La directrice amène doucement la femme, taiseuse, à défaire l’écharpe qu’elle a autour du cou, dévoilant un énorme hématome : son mari la bat. Rideau. Décor d’émission de radio en direct, dans lequel des animateurs·trices, hilares, reçoivent un chercheur pour son livre sur les désastres écologiques en cours. Amenant l’un des comiques de service à faire une écolo-blague : « Quand une femme ramène sa fraise, on lui colle une pêche en pleine poire, elle tombe dans les pommes, mais elle garde la banane ».
Burlesque glaçant
À travers une succession de scènes courtes se déroulant au commissariat, dans les bureaux de la radio, en prison, dans l’appartement familial, on suit alternativement la progression des deux histoires jusqu’au tribunal : car la femme a tué son compagnon, et des associations féministes ont porté plainte contre l’humoriste. L’obscénité, brossée à gros traits, d’une société (média, police) se vautrant (à quelques exceptions près) dans une indifférence et un cynisme rigolards, redouble le burlesque glaçant de la plupart des séquences.
Dans certaines, on ne rit plus du tout : la scène de tentative de viol conjugal dans l’appartement et les violences qui s’ensuivent jusqu’au meurtre du compagnon est proprement terrifiante. Dans d’autres, on rit franchement : le rêve de l’humoriste déculotté et penaud dans une forêt, avec sa mère qui lui renifle le cul, à côté d’un abbé Pierre à la bite tournoyante et de grosses peluches de fruits dansantes est d’un foutraque hilarant.
Après une rencontre entre les deux protagonistes attendant sur un banc du tribunal, l’humoriste déconfit devant répéter une fois de plus sa blague plus que pénible, la femme battue puis meurtrière éclatant d’un rire de consternation, le spectacle se termine sous les applaudissements du public, et le retour des comédien·nes en troupe de majorettes. Qui, bien qu’en costumes dorés bien brillants, exécutent une choré pas très triomphante, sur une reprise rock du tube planétaire de Gloria Gaynor : I will survive. Ou pas.
MARC VOIRY
I will survive est présenté à La Friche jusqu’au 29 novembre, une programmation du Théâtre du Gymnase hors-les-murs.
Retrouvez nos articles Scènes ici










