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Kontinental’25 : le terrible constat de Radu Jude

Ours d’argent à la Berlinale 2025, Kontinental' 25 analyse l’obscénité insoutenable du temps présent

Ours d’or en 2021 pour Bad Luck Banging Loony Porn, Prix du Jury à Locarno en 2023 pour N’attendez pas trop de la fin du monde. Sélectionné à nouveau en 2025, à Locarno avec Dracula et à Berlin avec Kontinental 25, c’est peu dire que Radu Jude est un artiste hyper actif, et un cinéaste qui compte. Pourtant, le réalisateur roumain ne brasse pas de gros budgets. Il pratique ce qu’on pourrait appeler un « arte povera » cinématographique. Kontinental’25 est tourné simultanément avec Dracula en Transylvanie, en moins de deux semaines. Iphone, décors naturels. Pas de lumière, pas de machinerie. Un retour aux sources des Frères Lumière pour le côté documentaire et minimaliste. La reprise d’une certaine idée rossellinienne de l’économie de moyens. Kontinental 25 fait  écho à Europe 51 du cinéaste italien : il en reprend le thème d’une femme rongée par la culpabilité et se transforme en caricature de son modèle et de la société roumaine contemporaine à la sauce piquante Radu.

Comme dans Psychose d’Hitchcock, le film commence par s’intéresser à la victime.

On suit l’itinéraire de Ion (Gabriel Spahiu), un vieil homme dépenaillé, maugréant et jurant,  grapillant des bouteilles en plastique, mendiant du travail ou des lei aux terrasses des cafés, grignotant et pissant dans les jardins, parcourant un parc où, vision surréaliste, s’animent, mécaniques, des dinosaures géants. C’est un ancien champion de Roumanie déchu -on l’apprendra plus tard, aussi has been que les grands sauriens. Il vit dans la chaufferie d’un immeuble qui doit être rasé et remplacé par un hôtel de luxe. Orsolya (Eszter Tompa), huissière de justice, flanquée de gendarmes, vient l’exproprier. Ion se pend à son radiateur.

Dès lors s’ouvre un nouvel itinéraire. Celui d’Orsolya qui se sent responsable du drame. La jeune femme, bouleversée, renonce à ses vacances en Grèce avec sa petite famille. On la suit dans la ville. Elle emprunte parfois les mêmes chemins que Ion. A chaque rencontre, elle refait le récit de l’expulsion et de la découverte du corps. Ses interlocuteurs la dédouanent sans la consoler. Occasion pour le réalisateur de brosser une série de portraits vitriolés de l’homo sapiens. Tel ce prêtre qui refuse le statut d’homme à un suicidé. Ou sa mère, hongroise nationaliste émigrée, détestant ces paysans roumains qui ont volé la Transylvanie aux Hongrois. Ou l’amie qui œuvre pour des Roms déplacés sur les déchetteries mais fait expulser un SDF de son quartier, réfugié dans un garage désaffecté parce qu’il pue. Et toute  honte bue, lui en veut de lui faire éprouver le désagréable sentiment d’être abjecte.

Dacie, de-là

Nous voilà au milieu de discours, de citations, d’anecdotes. Submergés bientôt comme la protagoniste par la loghorrée d’un de ses anciens étudiants, devenu livreur de repas, son master en poche. On parle et on boit beaucoup dans cette partie du film mais un autre discours se superpose à ces conversations par les détails. Ironiques ou informatifs. El Bruto de Buñuel sur une affiche de ciné, le café Che Guevara dans un quartier gentrifié, un engin de chantier dans une ville livrée aux promoteurs, que les dernières séquences en plans fixes, documentera. Dans les plans apparaissent les statues du roi hongrois Matthias, celle de Mihai Viteazul, prince de Valachie, le bronze d’un ex-président. Vestiges daces et monument en hommage aux victimes du totalitarisme communiste. Tout un passé à digérer et un présent pas très digeste.

Orsolya n’est pas une mauvaise personne. Elle a un sens moral, de l’empathie mais comment être humain dans un système inhumain ? Chacun détourne les yeux, s’achète une conscience et cherche à se divertir. Terrible constat.

ELISE PADOVANI

Kontinental’25 de Radu Jude, en salles le 24 septembre

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