C’est toujours un bonheur de constater combien le cirque remporte les suffrages, toutes générations confondues, avec une fréquentation record à chaque ouverture de la Biennale internationale des arts du cirque : près de 15 000 personnes ont bravé le froid polaire pour assister aux propositions gratuites sélectionnées par Archaos. Parmi les temps forts du week-end, la performance de Tatiana Mosio-Bongonga, une habituée du festival. Toujours des riffs noisy pour accompagner sa traversée sur un fil sonorisé, et quelques nouveautés – arpenter le fil en binôme, ou encore… la tête en bas. Autant de figures mettant en relief la spécialité de la compagnie Basinga : faire de l’ascension du funambule une prouesse participative, requérant la force motrice du public – l’action se voyant en temps réel sur la tension du fil, et donc l’élévation de l’acrobate ! Samedi, le mistral et les étourneaux étaient de la partie, créant de ces images éphémères à la fulgurante beauté, comme seuls savent le faire les propositions en espace public, à fortiori en hauteur. Autre complice de la BIAC, la Franco-Brésilienne Alice Rende livrait son irrésistible Passages – contorsions dans un tube de plexiglas géant – dans un nouvel écrin adapté : sous le dôme du GMEM.
Poésie bruitiste
Édition après édition, la Biac se fait aussi tête chercheuse, célébrant des esthétiques très différentes. Ôde à l’authenticité et à la sobriété, les acrobaties sur chaises de la Cie Allégorie reflétaient l’alchimie discrète et facétieuse régnant entre ses trois membres : deux acrobates et une chanteuse. Une parfaite maîtrise de la montée en tension, faisant frissonner de concert les premiers rangs ! Plus tard dans l’après-midi, l’acte avant-gardiste de Club optimiste se réservait aux plus âgés. Un « élan de musique et d’acrobatie, entre transe et performance exutoire » revendiquée par sa créatrice Fanny Alvarez. FEU : comme une décharge électrisante, une expérience radicale et bruitiste mettant parfois les nerfs à rude épreuve – les bouchons d’oreille n’étant pas superflus –, et réussissant son pari : célébrer l’ambivalence du feu, à la fois festif et menaçant, chaleureux et brûlant, rassembleur et clivant… Une manière encore inédite d’exploiter la verticalité minérale de la cour Jobin, suspendant sans distinction acrobate comme grosse caisse à l’imposant porte à faux de la Tour Panorama ! Quant aux acrobates de la Cie Rhizome, explorant un agrès inédit avec la nouvelle création Rouge Merveille, on les retrouvera dès le 9 février sur une monumentale spire haute de 6m, lors du final dominical Au bout la mer sur la Canebière.
JULIE BORDENAVE
Quel cirque ! jouait les 11 et 12 janvier en ouverture de la Biac à la Friche Belle de Mai, Marseille.