Dans un petit appartement d’une cité HLM baptisée ironiquement La Caverne, Amani, 67 ans, femme discrète et aimante, décide un matin de partir sans prévenir personne. Elle laisse derrière elle un simple mot : « Je dois partir, vraiment. Mais je reviendrai. »
Ce départ, sans explication, agit comme un séisme. Hédi, son mari, ancien ouvrier, aimant mais bourru, se débat avec son chagrin et sa colère, remettant en question les repères d’une vie entière. Il retire son alliance, tente de réorganiser l’espace en démontant un à un les meubles de l’appartement, comme s’il pouvait combler l’absence par un nouvel ordre. Leur fils, Salmane, le narrateur, 36 ans, figé dans une adolescence prolongée occupe toujours sa chambre d’enfant dans l’appartement parental, travaille dans un fast-food et tue ses nuits avec ses amis dans les recoins de la cité. Pourtant, brillant au lycée, il aurait pu espérer une meilleure vie.
Électrochoc
Mais la disparition de sa mère agit comme un déclic. Il s’improvise détective de l’intime, glanant des indices pour comprendre les raisons de cette fugue : une vieille clé, une lettre oubliée, un chat tigré qui semblait n’appartenir à personne.
Pour Salmane, ce roman est autant une quête de la mère qu’une quête de soi. Au fil des quatre jours, il plonge dans l’histoire familiale qu’il revisite sous un jour nouveau : celle des migrations (la Tunisie quittée jadis dans la douleur), des silences lourds et des souvenirs dont on ne parle pas.
Il découvre que derrière le départ de sa mère se cache peut-être un ultime acte d’amour, un électrochoc, un moyen de lui tendre la main pour qu’il grandisse enfin.
Comme son héros, Ramsès Kefi est né en France dans une famille d’origine tunisienne, il a longtemps interrogé dans ses reportages les questions de mémoire, d’identité et de banlieue avec un regard qui mêle engagement, humour et humanité. Avec Quatre jours sans ma mère, il transpose cette sensibilité dans la fiction. Ce roman s’inspire de son propre parcours, sans être autobiographique : c’est une tentative de dire l’indicible des liens familiaux, des ruptures silencieuses, avec une grande pudeur, beaucoup d’humour et de tendresse.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Quatre jours sans ma mère, de Ramsès Kefi
Éditions Philippe Rey – 19 €
Paru le 21 août
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