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La mémoire des territoires

L’artiste chilien Malicho Vaca Valenzuela partage la mémoire personnelle et collective de la ville de Santiago où il a grandi. Une représentation qui touche à l’universel tout en assumant sa fragilité

Comme tout le monde, Malicho Vaca Valenzuela a appris à utiliser la plateforme Zoom durant le confinement. Freiné dans ses projets artistiques, il publie un appel à témoignages et entreprend de récolter les souvenirs des habitants du quartier de son enfance à Santiago, au Chili. Reminiscencia est un geste plus qu’une pièce, celui de raconter l’histoire de lieux qui font sens, intimement et collectivement. Le metteur en scène chilien propose un voyage statique, depuis son ordinateur, dans les affres de la mémoire, celle malade de sa grand-mère et celle de tout un peuple. Le spectacle ne devait pas en être un, d’où la mise en scène sobre constituée d’un bureau avec un ordinateur, une chaise que l’artiste ne quitte pas et un écran sur lequel il projette des archives télévisées et vidéos personnelles.

Les lieux ont une histoire

Les lieux sont chargés de signification, empreints de poésie. Mais pour s’en rendre compte, il s’agit d’ouvrir les yeux. Partant de son point de vue situé dans sa petite maison du centre de Santiago, Malicho Vaca Valenzuela s’attache à répertorier les détails pour donner à voir ce qui fait la richesse d’un bâtiment ou d’une rue. Grâce aux photos, aux reconstitutions numériques à partir de Google Earth et aux images glanées, le spectateur peut observer les tomettes du sol de l’hôpital désaffecté où l’artiste est né, usées par endroits, ou les plaques scellées au sol ornées de messages amoureux, partout en ville. À partir des histoires intimes se dessine la mémoire collective d’un territoire marqué par la révolution chilienne. La place centrale du quartier a vu se déployer toutes les révoltes : l’artiste était de celle de 2006 en faveur d’une éducation libre et gratuite. Les murs ne sont pas faits pour rester vierges, il faut y écrire.

De quoi se souviendra-t-on ?

Reminiscencia parle aussi de ceux qui portent la mémoire des lieux. La grand-mère de l’artiste, filmée dans son quotidien durant le confinement, est déficiente mentalement. Ses souvenirs reviennent par bribes, au contact de chansons que passe son mari toute la journée à la radio. Face à la mémoire qui flanche, le disque dur de l’ordinateur est un bien éphémère appui. Et c’est pourquoi le spectacle, lui aussi est fragile, trouvant sa puissance dans les mots égaux et bienveillants de Malicho Vaca Valenzuela. Alors certes, le rythme manque parfois et les questions foisonnent sans toujours de liens logiques. Mais que leur importance ne soit pas occultée : que restera-t-il des choses lorsque plus personne ne sera là pour s’en souvenir ? Et cette vulnérabilité universelle touche profondément.

CONSTANCE STREBELLE

Reminiscencia
Jusqu’au 21 juillet
Gymnase du lycée Mistral, Avignon

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