Zébuline. Pourquoi avoir choisi d’honorer la mémoire de Laurence Chanfreau ?
Sophie Roques. Ça fait partie des revendications des militants LGBT+ d’avoir des noms dans l’espace public de militantes et de militantes LGBT+. Deux autres facteurs ont été pris en compte. Il fallait avoir quelqu’un associé à l’histoire de notre ville, et qui réponde à la logique de féminisation de noms de rue à Marseille. Laurence Chanfreau était une artiste et une militante, qui a trouvé un port d’attache à Marseille. Et c’est important que ce soit proche du cour Julien : c’est le lieu de la contre culture, des mouvements queers, alternatifs. Un lieu de passage, une passerelle… c’est symbolique.
Avez-vous été étonnée de la réaction de Séréna Zouaghi (LR) lors du Conseil d’arrondissement du 6e-8e ?
Venant d’une femme oui. Moins venant de cette droite où les digues sautent de plus en plus : ses propos étaient dignes de l’extrême droite.
L’extrême droite en a remis une couche lors de du Conseil municipal, par l’intermédiaire de Stéphane Ravier. Qui a dénoncé la « perversité » de l’exposition qu’avait consacrée Laurence Chanfreau aux vulves.
On n’est pas très étonné… Ce sont des propos sexistes, qui témoignent du problème autour de la représentation du corps des femmes. Comme j’ai pu le dire au Conseil d’arrondissement, quand on a une statue de David [on ne vous fait pas un dessin, ndlr], ça ne pose aucun problème, mais le représentation du corps d’une femme sur trois photos oui. D’autant plus s’il s’agit d’une femme qui avait une sexualité sans hommes.
Dans la même phrase, il poursuit sur l’œuvre intitulée Niqab, ni croix, ni kippa, ni Boudha. Avec comme exégèse que le « ni privatif ne s’applique pas au Niqab ». À l’entendre, Laurence Chanfro serait donc une islamiste qui expose des vulves…
[souffle] C’est complètement anachronique… C’était une militante qui défendait la laïcité, et le titre veut bien dire ce qu’il veut dire.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI
Plaque dévoilée le 26 avril
La cérémonie de changement de nom devrait se tenir lors de la Journée internationale de la visibilité lesbienne, le 26 avril prochain.
Stéphane Ravier : « Estelle c’est joli, ça sonne bien, c’est mignon »
En prononçant cette phrase lors du Conseil municipal du 28 février, l’élu proche de Zemmourne semblait pas vraiment savoir à qui fait référence le nom de cette rue. Il s’agit de Jean-Baptiste Estelle, premier échevin de Marseille (équivalent de maire) pendant la grande peste de 1720. Si pendant longtemps son rôle lors de cette crise n’était pas ou peu connu, il est désormais établi que c’est lui qui a permis à la maladie de se propager dans la ville, par cupidité. Quand le navire Grand Saint-Antoine arrive à Marseille, neuf morts sont déjà comptés sur le navire. Les autorités sont averties, et les intendants du bureau de santé décident de placer le navire en quarantaine sur l’île de Jarre. Jusqu’à ce que Jean-Baptiste Estelle, qui détient une partie de la cargaison, intervienne… et la marchandise est finalement déchargée. 50 000 personnes meurent à Marseille de cette épidémie, soit plus de la moitié de la population de la ville (et 100 000 en Provence).
NICOLAS SANTUCCI