jeudi 30 janvier 2025
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AccueilMusiquesLe chœur licencié : L’Opéra de Toulon reste sans voix

Le chœur licencié : L’Opéra de Toulon reste sans voix

L’annonce brutale du licenciement du chœur de l’Opéra de Toulon laisse le monde lyrique stupéfait

« Nous sommes le chœur de l’opéra de Toulon… » Dans les milieux d’art lyrique, le slogan blanc sur fond noir a envahi les réseaux sociaux accompagné de mots de révolte ou d’incompréhension : « abasourdi », « sidéré », « dégouté », « stupéfait »… et de messages de soutien après l’annonce du licenciement des 21 choristes d’un ensemble vieux de plus de 40 ans. C’est jeudi 23 janvier, lors du conseil d’administration (CA), que le directeur de l’Opéra Jérôme Brunetière, a annoncé brutalement et sans concertation préalable la suppression du chœur « pour raisons économiques ». Comble, ni le directeur musical Victorien Vanoosten nommé, il y a tout juste un an – il a été l’assistant principal de Daniel Barenboim au Staatsoper Unter den Linden à Berlin en 2018 et 2019 –, ni le chef de chœur Christophe Bernollin n’avaient été mis au courant. 

Le soir même au Palais Neptune, en ouverture du concert Les grandes pages de l’opéra allemand, l’orchestre prenait la parole devant plusieurs centaines de spectateurs pour s’insurger contre cette décision inique. « Contrairement aux CA habituels, nous n’avons eu accès à aucun documents comptables écrits, déplore Richard Garnier, représentant du personnel et basse dans le chœur. On nous a annoncé un déficit de 100 000 euros pour 2024. Pour autant les comptes seront à l’équilibre car lors du confinement, les subventions ont continué à être versées. Aucun spectacle n’ayant eu lieu, l’Opéra a engrangé un pécule important. » 

Un chantier colossal 

Les choristes mettent en cause une mauvaise gestion financière et des choix artistiques contestables. Ainsi, l’été dernier, la production maison Cavalliera Rusticana de Pietro Mascanien clôture de la saison lyrique à Châteauvallon aurait coûté un million d’euros, une somme sans proportion avec les moyens de la maison. Dans le même temps, la direction a lancé en 2024, avec le soutien de la Métropole Toulon Provence Méditerranée, un chantier colossal de rénovation globale de l’Opéra comprenant la restauration et la modernisation de l’intégralité des intérieurs du bâtiment : escalier d’honneur, grande salle avec ses sièges et ses décors, espace scénique, fosse d’orchestre, aménagements techniques ainsi que la terrasse du troisième étage afin d’améliorer le confort des publics, des artistes et du personnel  pour un budget de… 39 millions d’euros. 

L’association Unisson, qui représente les professions d’artistes lyriques, de pianistes accompagnateurs et de chefs de chant, a réagi elle aussi, estimant que le « souci de conservation du patrimoine » d’une ville ne peut se réduire à rénover ses bâtiments. Et d’ajouter que « la décision du CA montre une fois de plus une logique où l’humain est la seule variable d’ajustement, où l’art est devenu un simple produit de consommation ».

Pour les élus du personnel et les choristes, le motif économique ne peut être invoqué. Ils comptent donc demander un audit et saisir la justice. Quid de l’avenir pour les programmations de l’Opéra ? Pour Richard Garnier et ses collègues, la direction pourrait décider de faire appel à des ensembles vocaux externes ou à des coquilles vides embauchant au coup par coup en fonction des besoins d’une œuvre des intermittents du spectacle avec des statuts de plus en plus précaires et même, pourquoi pas, et pourquoi pas à des chœurs amateurs comme cela se pratique à Paris dans de nombreuses productions professionnelles y compris à la philharmonie.

Dans tous les cas, ce serait la fin de la pâte musicale unique que fabrique chaque chœur par un travail régulier. Toulon pourrait aussi se transformer en simple théâtre d’accueil pour des productions extérieures. Déjà, les deux recrutements prévus pour l’orchestre ont été annulés. « Fini aussi les interventions dans les écoles et les hôpitaux que seul le chœur effectuait » déplore une choriste.

La solidarité en tout cas est totale. Le chœur de l’Opéra de Marseille a déjà prévu des actions conjointes avec son homologue toulonnais. Les chœurs des opéras de Montpellier, Toulouse, Nancy, Bordeaux et Lyon ont prévu d’entonner Va pensiero, le célèbre chœur des esclaves hébreux du Nabucco de Verdi. Du côté des administrateurs et de son président l’amiral Yann Tainguy, adjoint à la maire de Toulon en charge de la culture, c’est la grande muette. Le chœur de l’Opéra devrait cependant finir la saison avec Nabucco de Verdi (1 et 3 avril, Palais Neptune), La belle Hélène (13,15,16, 18 mai, le Liberté, scène nationale) et Norma de Bellini (26,28 juin, Châteauvallon, scène nationale).

ANNE-MARIE THOMAZEAU


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