mercredi 2 octobre 2024
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Le corps et la nature

Paradis naturistes, la nouvelle exposition du Mucem interroge les désirs de chairs dénudées

L’être humain a une conscience aiguë de son corps, mais entretient avec lui une relation complexe, en partie inconsciente, pétrie de représentations idéales et d’injonctions contradictoires. Vêtu, dissimulé, voilé, exposé, dénudé, retouché, il est éminemment politique. Les six commissaires de la nouvelle exposition du Mucem, Paradis naturistes – Amélie Lavin, Bernard Andrieu, Jean-Pierre Blanc, David Lorenté, Julie Liger et Thomas Lequeu – ont entrepris de documenter l’histoire d’un mouvement né au XIXe siècle. Face aux dégâts de l’industrialisation massive en Europe, les premiers naturistes ont voulu renouer avec la nature, sans la contrainte des vêtements. « En Allemagne et en Suisse, les pionniers appartenaient aux milieux anarchistes, explique Amélie Lavin, conservatrice en chef du musée, notamment au courant Lebensreform, littéralement « réforme de la vie » ». Un élan vers la liberté préoccupé de santé, à une époque où la tuberculose faisait peser une menace constante : bains, air pur, exposition au soleil, alimentation végétarienne sont des pratiques corrélées au naturisme. En France, pays aux mœurs plus puritaines, les premières communautés se sont constituées à l’abri des regards, sur des îles, par exemple, ou des terrains privés. Parmi les 600 photographies, films d’archives, revues, affiches, œuvres d’art réunis dans le parcours, un arrêté pris par le Maire de Noisy-le-Grand en 1926 laisse songeur : « Toute personne qui voudra se baigner dans la rivière de Marne, ne pourra le faire que munie d’un maillot partant des épaules, jusqu’à mi-cuisse […] Il est interdit de se déshabiller sur la berge, de se promener sur le chemin de halage ou de s’étendre sur l’herbe sans être complètement vêtu. »

Culs nus et culs bronzés

Le naturisme a traversé les décennies, jusqu’à converger avec le mouvement hippie et ses slogans revendicatifs. « Faites l’amour, pas la guerre », clamaient les gauchistes d’antan. Si elle traite de ces aspects sans fausse pudeur, et tout en exposant nombre de postérieurs, Paradis naturistes « n’a rien d’explicitement sexuel, elle n’a donc pas de raison d’être interdite aux mineurs », souligne Amélie Lavin. Au contraire, la visiter en famille peut ouvrir une réflexion bienvenue sur le culte du corps « instagramable », ferme et impeccablement bronzé. Il n’est que de voir le magnifique portrait de Christiane Lecocq, fondatrice du Centre Hélio-Marin de Montalivet, haut lieu du naturisme dans les années 1950, pour mesurer la désirabilité de la libération des corps. Photographiée à l’âge de 90 ans par Hervé Szydlowski, avec sa canne pour seul habit, son éclatant sourire, ses plis et ses poils blancs, elle incarne l’émancipation.

GAËLLE CLOAREC

Paradis naturistes
Jusqu'au 9 décembre
Mucem, Marseille
À lire
Paradis naturistes
Catalogue de l'exposition
Sous la direction de Bernard Andrieu et Amélie Lavin
Co-édition La Martinière/Mucem, 35 €
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