jeudi 31 octobre 2024
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Le Droit en sale État 

Qu’est-ce qu’un État de droit, dont Bruno Retailleau, ministre d’un gouvernement qui n’est pas sorti des urnes, rappelle, menaçant, qu’il n’est pas immuable ? C’est un pays qui affirme que le droit des personnes, physiques ou morales, prévaut sur le pouvoir politique. Remettre en cause cette hiérarchie serait consacrer la toute puissance du pouvoir politique sur les droits des citoyens. Ce serait, au sens propre, l’avènement d’une dictature.

Le droit français

L’État de droit français s’appuie sur trois piliers qui sont aujourd’hui attaqués de l’intérieur comme par des termites.

Le premier pilier qui garantit cet État repose sur la hiérarchisation des normes. En France, le Parlement ne peut voter de lois qui vont à l’encontre de la Constitution de 1958, du Préambule de 1946, de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et de la Charte de l’environnement de 2004. La loi « Asile et Immigration » votée par le Parlement macronien en janvier 2024 a été retoquée sur 32 de ses propositions par le Conseil Constitutionnel qui garantit cette hiérarchisation. Pourtant certains de ses principes s’appliquent, comme l’obligation pour les étrangers de signer un contrat de respect des valeurs de la République, que les Français ne signent pas.

Le deuxième pilier est la garantie de l’égalité des citoyen·ne·s. Celle-ci est remise en cause quand  Bruno Retailleau parle de « Français de papier », mais elle l’est aussi quand les scènes labellisées refusent d’élaborer des programmations paritaires, comme la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création* le leur prescrit pourtant. Notre hebdo de ce jour, alors que la rédaction fait le choix de mettre en avant les œuvres des femmes, reflète une actualité culturelle encore largement dominée par des hommes. 

Le troisième pilier est la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Elle est clairement battue en brèche depuis des années, et caricaturalement depuis les élections législatives, puisque l’exécutif, c’est à dire le gouvernement, est aujourd’hui celui qui décide des lois, à coups de 49.3. Quant au pouvoir judiciaire, affaibli par ses manques chroniques de moyens, il est trop lent pour condamner efficacement, durant leurs mandats, les politiques qui dérapent, ou escroquent.

Droit international 

Ces attaques nationales de l’État de Droit sont aujourd’hui renforcées de façon spectaculaire par l’actualité internationale. La menace d’un retour au pouvoir de Donald Trump plane sur les peuples les plus dépendants du Droit international. Si la démocratie américaine s’effondre, lesquelles tiendront sans l’appui des Nations unies ? Que deviendra l’Ukraine ? 

On sait que depuis plus de 10 ans le droit maritime est remis en cause et qu’on accuse impunément SOS Méditerranée, malgré le soutien de l’Unesco, de favoriser l’immigration. Ces entorses inhumaines au droit international habituent les Français à l’idée que les vies humaines ne se valent pas et qu’une préférence nationale est possible. Tendre la main à un être humain qui se noie, l’accueillir et le soigner, défendre le droit d’asile cher aux grecs antiques ne serait plus un devoir sacré, un devoir humain ? 

Que dire, enfin, quand la bande de Gaza est minutieusement et totalement détruite, quand les morts civils sous les bombes se chiffrent, mot horrible, par dizaines de milliers, quand après avoir massacré tout un peuple c’est vers le voisin libanais que se poursuit une attaque qui multiplie les crimes de guerre ? La sidération de nos politiques, de nos médias, se poursuit… 

Alliés contre Hitler

Notre République n’est sortie de l’État de droit que sous le régime de Pétain. Elle risque aujourd’hui, en proie à un antisémitisme renouvelé et à un déni des crimes de guerre d’Israël, de voir renaître ses démons, ceux qui naissent de l’opposition de communautés historiquement et culturellement cousines. Celles qu’Hitler tentait d’opposer en déclarant : « Les peuples régis par l’Islam seront toujours plus proches de nous que la France, en dépit de la parenté du sang qui coule dans nos veines. Le malheur veut que la France ait été subvertie par l’esprit juif et condamnée à faire une politique juive. » Musulmans et juifs n’ont pas cédé à ces fausses oppositions et se sont joints aux Alliés pour vaincre le nazisme et rétablir l’État de droit dans l’Hexagone, puis dans les colonies libérées. Y parviendrons-nous aujourd’hui ? 

AGNÈS FRESCHEL

* « Les établissements labellisés de la création artistique doivent respecter les principes  d’égalité d’accès des femmes et des hommes aux responsabilités »

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