La règle de l’unité de lieu est bien la seule à être respectée dans À la barre. Le spectacle, créé en 2022 et donc avant le procès de Mazan, est une pièce pensée pour les tribunaux. Dérangeant, le dispositif conçu par l’auteur Ronan Chéneau et mis en scène par Steeve Brunet nous emmène au sein du tribunal d’Avignon. Le public passe tous les contrôles car le tribunal est en activité. Puis les cinq comédiens et comédiennes jouent en s’échangeant les rôles, de prévenu à victime, d’avocat à juge.
Si l’idée de déplacer le théâtre est intéressante, elle met aussi légèrement mal à l’aise. On rit de la représentation en sachant que, dans une salle voisine, un.e accusé.e ou un.e plaignant.e peut jouer sa vie. Faire entrer le théâtre dans le réel est un défi que relèvent les acteurs et actrices. Ils réussissent à recréer une atmosphère tendue, à questionner le rôle des différents magistrats et leurs défis.
Renverser la vapeur
Les injonctions aux chiffres et à la rapidité faites au monde judiciaire sont un point essentiel. Au cœur de la pièce, le caractère robotique et le nombre de dossiers qui s’empilent sur le bureau de la juge. Malgré la lourdeur du sujet, des pointes d’humour redonnent espoir, par exemple, quand les rôles entre hommes et femmes s’inversent. À grands coup de statistiques, la pièce met enlumière les violences intrafamiliales. On y observe la mauvaise foi des accusés, la difficulté des victimes pour prendre la parole, l’insistance des magistrats qui veulent entendre cette parole. La pression qui fait dire à certaines femmes « je ne porte pas plainte » est montrée crument. Tout comme la pression mise sur les magistrats et avocats. Sans jugement mais comme un hommage aux tribunaux, dans cette lutte pour la justice qui persiste, malgré des difficultés systémiques.
LOLA FAORO
Jusqu’au 18 juillet au Tribunal d’Avignon – Départ de la Manufacture