Une rentrée des classes. Un petit garçon intimidé qui vient à peine de lâcher la main de sa mère pour celle du directeur de l’école. Rassurant, le maitre l’emmène dans sa future classe, celle de la maitresse Sophie. La classe de CP-CE1, une des vingt classes de l’école Makarenko d’Ivry-sur-Seine, dans la banlieue parisienne. On va passer près de deux heures dans cet établissement, assistant aussi bien aux cours d’écriture, de lecture, de calcul, de géographie… qu’aux jeux des enfants dans la cour de récréation. 1h45 sans une minute d’ennui !
Rien d’étonnant quand on sait que c’est Claire Simon qui a passé plusieurs mois dans cette école publique, où la plupart des enfants sont nés de parents venus d’ailleurs. Elle tient elle-même la caméra, accompagnée de son ingénieur du son, Pierre Bompy. Elle nous fait partager leur quotidien, leurs apprentissages mais aussi leurs jeux, leurs échanges, leurs disputes. Un monde qu’on n’a pas l’habitude de voir, un microcosme qui ressemble à notre monde, où circulent toutes les problématiques de notre société.
Lutte de classes
Ce n’est pas la première fois que Claire Simon pose sa caméra dans une école : en 1992, elle avait filmé la cour d’une école maternelle dans Recréations. Dans Apprendre, son dernier opus, présenté au Festival de Cannes 2024 en séance spéciale, avec sa caméra légère, elle entre dans les classes, montrant les liens qui se tissent entre les élèves et leurs enseignant·e·s. Les séquences, soigneusement choisies et montées, se succèdent, mettant en évidence les méthodes d’apprentissage spécifiques à chaque enseignement ; on apprend à se maitriser et à savoir perdre en jouant aux dames, à écouter quand la maitresse lit ou à lire en silence. On chante aussi, comme lors de cet échange avec la section musicale de la très chic École Alsacienne… et qu’on leur demande d’arrêter de jouer pour «mieux entendre » La Flûte de Schubert jouée par ceux de l’école parisienne.La cinéaste filme en plans rapprochésles visages de ceux qu’on a fait taire. Les barrières de classes sont bien là.
Aucun commentaire de la cinéaste dans ce documentaire qui permet de rompre avec les clichés de violence et d’échec accrochés aux élèves de banlieue. Unenseignement où on apprend à réfléchir, une équipe d’enseignants, engagés et volontaires, qui croit que l’école est le lieu où l’on saisit le langage de la société. Un des moyens pour construire les adultes de demain. « Les maîtres et les maîtresses sont des civilisateurs »dixit la cinéaste quand, au mois de juin, à la fin de cette belle immersion, on voit les enfants de CM2, venir embrasser leur enseignante, on est aussi ému qu’eux, tandis que résonne la chanson de Rihanna, qu’ils ont apprise à la chorale et chantée avec ferveur.
ANNIE GAVA
Apprendre, de Claire Simon
En salles le 29 janvier