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Les finances aux abois, le Caravansérail (tré)passe

Rare rendez-vous grand public à offrir une grande scène marseillaise à la diversité culturelle, le festival de musiques du monde annule son édition de juin. Explications

Tristesse et déception. Dans un communiqué intitulé « Année blanche pour le festival Caravansérail », les organisateurs de cet événement collectif marseillais dédié aux musiques du monde annoncent l’annulation de l’édition 2023, « en raison des contraintes économiques passagères que connait la Cité de la Musique », unique porteur financier de la manifestation.  Une édition qu’ils avaient pourtant préparée et espérée jusqu’au bout. Ou presque. « On s’y attendait un peu car nous étions tenus au courant des possibles difficultés financières de la Cité de la Musique, reconnaît Odile Lecour, directrice de La Maison du chant, structure partenaire avec Arts et Musiques en Provence et L’éolienne aux côtés de la Cité. Mais on a tout fait pour y croire… » Y compris en envisageant des alternatives moins ambitieuses qui n’ont finalement pas convaincu les coorganisateurs.

Du côté de la Cité de la Musique, sans minimiser le sacrifice de Caravansérail, la tendance est plutôt à relativiser la décision. Pour son directeur Éric Michel, « le festival n’était qu’une de nos activités parmi d’autres » dans cette maison qui propose une programmation tout au long de la saison, et dédiée avant tout à l’enseignement de la musique, à l’éducation artistique et culturelle ainsi qu’à la formation professionnelle. Et le responsable de pointer la triste banalité des raisons qui ont conduit à l’annulation de Caravansérail : « Ce qui nous arrive arrive probablement à énormément d’autres structures. Tout simplement parce que les frais de fonctionnement, cette année, augmentent voire explosent. Notre facture d’électricité a doublé… ». À cela s’ajoute les pertes financières liées au Covid comme la baisse du nombre d’élèves ou encore les coûts « imposés » par le contrôle des passes sanitaires. Mais le plus gros impact est celui de l’augmentation de la valeur du point et donc de la masse salariale, décidée au niveau national dans le cadre d’une convention collective : avec 105 salariés au compteur, la note atteint 90 000 euros par an. « Il ne nous restait plus qu’une solution : diminuer la voilure en nous resserrant sur nos missions principales pour préserver l’essentiel. C’est de la bonne gestion. » En auront fait également les frais cette année le Festival de la Magalone, certaines activités autour du hip-hop ou encore des résidences d’artistes, tandis que le recrutement d’un demi-poste est reporté.

Un trou dans l’agenda

La faute de la conjoncture donc et certainement pas d’une quelconque remise en question du soutien des collectivités qui accompagnent la Cité, Ville de Marseille en tête. Cette dernière, financeur principal de la Cité de la Musique, a même augmenté sa dotation de 5% soit 130 000 euros dans le cadre de la nouvelle convention qui lie les deux entités, quand Région et Département ont maintenu au même niveau leur participation. « Un effort considérable, pour Jean-Marc Coppola, adjoint (PCF) au maire de Marseille en charge de la culture, au moment où la Ville subit les mêmes augmentations de charges pour la mise en œuvre de son service public ». Un geste qui n’aura certes pas suffi à couvrir la totalité des besoins et donc à sauver le festival du mois de juin mais dont l’élu aimerait voir les autres collectivités s’inspirer. Et de regretter particulièrement l’absence persistante de l’État autour de la table alors que « le pôle des musiques du monde, dirigé désormais par Manu Théron, est devenu un outil unique en France en termes de création, de diffusion et d’accompagnement des artistes et répond à tous les critères pour obtenir un label national et un soutien financier à la hauteur du projet ». Ce pôle des musiques du monde de la Cité de la Musique, longtemps porté par Michel Dufétel, est d’ailleurs la cheville ouvrière d’un Caravansérail en pleine ascension dont la qualité des propositions artistiques conjuguée à une ambiance festive intergénérationnelle et à un souci d’accessibilité vont indéniablement manquer dans l’agenda culturel marseillais.

Un espoir en 2024 ?

C’est la deuxième fois en sept ans d’existence que ce festival, qui a trouvé sa place en ouverture de l’été, dans un Théâtre Silvain de plus en plus garni, est contraint à l’annulation. Après le Covid en 2020, c’est l’inflation et la guerre en Ukraine qui l’auront mis K.O en 2023. « C’est une très mauvaise nouvelle mais c’est une frustration raisonnée, consent Claire Leray, directrice de production de L’éolienne. Nous, on ne prend pas de risque financier et on ne pouvait pas exiger que la Cité de la Musique en prenne. » Une solidarité exemplaire entre partenaires compréhensifs et une bonne dose d’optimisme « pour repartir de plus belle en 2024 ». Reste à mobiliser des financements supplémentaires. Du côté de la municipalité, Jean-Marc Coppola « en appelle à l’État pour qu’il prenne ses responsabilités mais aussi au Département et à la Métropole ». À la Cité de la Musique, Éric Michel se convainc « que beaucoup de choses sont liées au contexte international et que c’est un mauvais moment à passer ». Surtout au regard de la somme très raisonnable à trouver pour permettre l’équilibre financier du festival : environ 70 000 euros. 

LUDOVIC TOMAS

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