mercredi 2 octobre 2024
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Les plantes sont vivantes

Au Grenier à sel d’Avignon, Ce que disent les plantes invite à une exploration d’un végétal loin d’être inerte !

Le Grenier à sel, longtemps dévolu au théâtre, a été racheté par la Fondation Edis et présente depuis 2017 des expositions contemporaines à la croisée des arts numériques et des  sciences, souvent naturelles. À forte orientation écologique, les œuvres présentées y cherchent de nouveaux biais pour changer notre regard sur la nature et sur notre environnement technologique, faisant souvent l’apologie du low tech, de l’artisanat, du temps long et de la miniature, rapportés aux emportements et à la globalisation des destructions environnementales. Une fois encore, Véronique Bâton, directrice du lieu et commissaire de l’exposition, a su rassembler des œuvres qui se répondent et entrent en dialogue avec des films des pionniers du cinéma, et des herbiers des premiers naturalistes. 

Science consciencieuse

L’invention du cinéma, dans la prise de conscience de la vie et du mouvement des plantes, est primordiale. En 1929 Jean Comandon filmait, accéléré 200 fois, La croissance des végétaux. L’éclosion d’un pissenlit, un liseron qui tortille, un iris qui pousse un à un ses pétales. Trois ans plus tôt Max Reichman filmait aussi Le miracle des fleurs, comparant leur danse à celle de ballerines (trans !), allant quant à lui jusqu’au flétrissement et au pourrissement. Commande de l’industrie chimique allemande qui voulait promouvoir son engrais. Le film, par son montage et ses accélérations, révélait au grand public, et aux surréalistes, la vie passionnante de végétaux considérés jusqu’alors comme inertes. 

Deux extraits d’herbiers complètent l’approche scientifique de l’exposition : des prélèvements corses de Jean-Henri Fabre (1848-1852), l’impressionnante Boite d’herbier de M. Lepeltier, fruit d’une collecte de 60 ans (1809-1871). Répertorier et conserver les espèces s’avère dès le début une entreprise poétique, qui révèle le vivant. Jusque sous la terre : quatre botanistes, dans les années 1960, ont réalisé un incroyable Atlas racinaire, plus de mille dessins à la main, d’une beauté sidérante, qui explorent les réseaux des racines de toutes sortes de plantes, parfois jusqu’à plusieurs mètres de profondeur, partie cachée, nourricière et subtile, jusqu’alors négligée, du règne végétal… 

Art  conscient 

Les œuvres artistiques, par leur nature et surtout par leur époque, sont nettement plus inquiètes. Si elles répertorient et conservent, c’est pour montrer la destruction à l’œuvre, les disparitions, l’espoir aussi d’une renaissance, parfois. 

Des fleurs coupées et gelées, comme mortuaires, ouvrent l’exposition (Laurent Pernot, Our endless love, 2021). Et l’herbier de Valère Costes, formé de plantes cultivées en impesateur, dans l’espace (Extrapolation for Space agriculture, 2021) confronte les plantes terrestres et leur avatars monstrueux, cultivées loin du sol. Le bouquet blanc, imprimé en 3D, de Donatien Aubert (Disparues, 2020) évoque l’extinction de masse des espèces végétales tandis que l’installation de Benjamin Just met en scène la déforestation dans une Forêt résiliente (2021-2023) qui s’adapte et des arbres qui continuent de croitre de leurs lents cercles de bois concentriques. 

Floralia répond sur un autre mur, avec quatre écrans diffusant des créations végétales dystopiques : Sabrina Ratté se projette dans un avenir où la végétation aurait disparu, et ne serait préservée que dans des archives virtuelles forcément inexactes, mais colorées et fascinantes, vestiges réinventés d’une symbolique et d’une classification des espèces.

Préserver, recréer, respirer 

Nettement plus sombre mais éclairée d’étoiles discrètes, la forêt primordiale photographiée par Thierry Cohen est un abime qui capte le carbone et s’ouvre sur un ciel étoilé, superposé à la photographie (Carbon catcher, 2020), qui se devine quand on approche.

Une vidéo de Fabrice Hyber (La Vallée) nous montre l’artiste dans son territoire, sa forêt, cette vallée vendéenne qu’il a replantée et qui est aujourd’hui peuplée d’animaux et de végétaux de toutes essences. On y voit l’artiste au travail dans cette nature ressuscitée où il a trouvé son vert si caractéristique, celui « des jeunes pousses ».

Meta nature IA de Miguel Chevalier fait aussi le pari de la re-création végétale, virtuelle et numérique quant à lui.  Des fleurs colorées et des matières végétales croissent et se meuvent, comme des animaux dans des évolutions aléatoires infiniment colorées. 

L’exposition se clôt par un film d’animation 3D de Jérémy Griffaud que l’on visite au casque virtuel 360°, et qui dessine la transformation du vivant  par l’homme (The origin of things). 

Mais avant cela une boucle vidéo de 2 minutes de Betty Bui, Respirations (2001), fait inspirer et expirer les feuilles d’un arbuste. Trucage artisanal, une des deux seules ouvres de femme de l’exposition, peut être la plus simplement poétique !

AGNÈS FRESCHEL

Ce que disent les Plantes
Jusqu’au 22 décembre
Grenier à sel, Avignon
legrenierasel-avignon.fr
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