Occupant la scène vide à la coule, déambulation, échanges, étirements tranquilles, pendant que le public s’installe dans la salle, les quatre interprètes du TG Stan ( Ibtissam Boulbahaiem, Jolente De Keersmaeker, Atta Nasser, Haider Al Timimi) passent d’une seconde à l’autre, au son d’une musique drum’n’ bass déchaînée, à l’installation sans un mot de l’espace de jeu, se saisissant des planches, tabourets, chaises, tréteaux, pour esquisser en deux temps trois mouvements un espace domestique minimal, où la table est mise pour un repas à deux, et le repas prêt à être servi. Pendant qu’un des interprètes se fait asperger d’un rouge sang dégoulinant, sur une bâche en plastique transparent, pour ne pas tâcher le sol. Cette dimension d’un théâtre qui se fabrique à vue va se prolonger pendant tout le spectacle, à travers la présence silencieuse d’une personne qui suit le déroulement du spectacle, en changeant régulièrement de point de vue, script de la pièce à la main, intervenant à de très rares, mais efficaces, occasions.
Peur partout, société nulle part
Ce que met en jeu Orphans, à travers cette effraction d’un réel violent dans le cocon domestique, et l’effet à la fois comique et glaçant de dialogues brefs progressant en trébuchant, c’est un crescendo de cas de conscience, apparaissant au fur et à mesure du dévoilement progressif d’une vérité effrayante. Celle qui amène au début du spectacle à l’arrivée de Liam, couvert de sang, interrompant le repas d’Helen, sa sœur et de Denis, son beau-frère. Est-il un criminel, une victime, les deux ? Doit-on le soutenir, le dénoncer ? Et s’il y a « nous » et les « autres », comment choisir entre les siens et les autres ? Et qu’est-ce que ça implique pour tous.tes ? Un crescendo dramatique et moral qui remet en jeu un dilemme ancien et récurrent (Sophocle, Camus, …) porté par des TG Stan en grande forme, dans une mise en scène sobre, vive et puissante.
MARC VOIRY
Orphans était présenté au Bois de L’Aune à Aix-en-Provence les 10 et 11 mars
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