Élevé dans une famille catholique, François-Xavier Drouet est athée. Acquis aux grandes causes révolutionnaires d’Amérique latine, à l’altermondialisme, aux luttes contre les dictatures, animées par une gauche qui, portée au pouvoir, l’a parfois déçu. Suivant la pensée de Marx, longtemps, pour lui, la religion n’a été que « l’opium du peuple ». Le goupillon sanctifiant le sabre, bénissant la colonisation, le génocide indien, l’esclavage et toutes les horreurs qui l’accompagnent, légitimant sans remords un ordre social inique. Pourtant, au Brésil, au Nicaragua, au Mexique, au Salvador, ignorer le rôle de la foi et l’engagement christique des religieux et religieuses dans les mouvements de libération – même armés –, serait une erreur et une offense pour tous ceux qui ont chèrement payé leur soutien aux damnés de la terre.
Ce film, le réalisateur, le voit comme un devoir. Avant que les protagonistes du courant de pensée de la Théologie de la Libération ne disparaissent, il recueille leurs témoignages, éclairant les événements de l’intérieur, leur redonnant perspective.
Au Salvador, le prêtre Roger Ponseele, malgré ses convictions non violentes, rejoint la guérilla après l’assassinat de l’archevêque Oscar Romero, « le porte–voix des sans voix ». Ponseele célébre les mariages des maquisards, leur donne courage, les assiste dans la mort.Au Brésil, le moine dominicain Frei Betto, arrêté en 1969, torturé, emprisonné pendant 5 ans, est un compagnon de route de Lulla, responsable d’un programme contre la faim dans songouvernement. Toujours au Brésil, Leonardo Boff, théologien, ex-franciscain, est jugé à Rome sur la chaise où on plaça Galilée, condamné au silence par le Vatican en 1985 pour avoir critiqué la structure interne quasi soviétique de l’Eglise romaine. Leonardo proclamant, un brin provocateur, que « les Chrétiens sont les disciples d’un prisonnier politique » et que le christianisme est l’opium non du peuple mais de la bourgeoisie dont il calme la mauvaise conscience. Le réalisateur donne aussi la parole à Júlio Lancelloti, Joel Padrón Gonzáles ou la religieuse cubaine Maria López Vigil…
Une question de foi
L’Evangile de la Révolution n’est pas un bréviaire mais l’utopie chrétienne de la Bonne nouvelle, rejoignant celle d’une gauche qui voulait faire chanter l’avenir. Le réalisateur, en voix off, raconte, écoute, confronte à l’aide d’archives et de souvenirs, passé et présent. Comme ceux qu’il rencontre, malgré les défaites, les répressions, les désillusions, la métamorphose des libérateurs du peuple en nouveaux tyrans, il cherche les traces laissées par les luttes dans les consciences. Si l’imagerie révolutionnaire de l’Amérique latine de cette fin du XXe siècle devient kitch ; si les grandes fresques célébrant les combats pour la liberté et l’équité sont cachées ou défraîchies, ringardes et instagrammables ; si les évangélistes auxcomptes en banque bien fournis séduisent les fidèles par leurs shows qui n’oublient jamais le business, François-Xavier Drouet ne perd pas espoir. Son évangile affirme que l’héritage de ces mouvements est riche d’enseignements et que le souffle de ceux qui ont lutté sur la terre plutôt qu’au ciel ne s’éteindra jamais. Une question de foi en l’humanité.
ÉLISE PADOVANI
L’Evangile de la Révolution de François-Xavier Drouet
En salles le 3 septembre
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