Wole Soyinka invité d’honneur des Écritures Croisées qui parcourent les récits littéraires du monde ; la Fiesta des Suds qui accueille, valorise et métisse les musiques du monde ; Alice Zeniter qui interroge la pertinence des personnages féminins écrits par des hommes, et leur poids sur nos représentations de nous-mêmes ; et puis la jeunesse, dans la rue, qui défile pour la Pride, affirmant que toutes les composantes du sigle LGBTQIAP+ forment une réalité différenciée, mais « Indivisible »…
Cela bouge dans notre culture nationale, au point que certains craignent pour l’universalisme. Qu’est-ce à dire ?
Le concept, philosophiquement et politiquement marqué par la Révolution française et sa Déclaration des droits de l’homme, a affirmé l’existence de valeurs universelles – dont l’égalité en droits – et d’un régime politique, républicain, qui serait universellement Le Bon. Pour tous.
Mais dès l’origine cette même République française a nié le droit des femmes et des pauvres, qui ne votaient pas, inventé l’indigénat, laissé l’esclavage en place, oublié le droit des enfants et la protection des minorités. Elle n’a eu de cesse de réduire la liberté de circulation, d’affirmer le droit inégalitaire à une propriété transmissible des biens de production… Et de différencier ceux qui appartiennent à la Nation (puis à l’Europe) et les immigrés (les migrants), d’affirmer les « racines chrétiennes» avant de s’en prendre aux récalcitrants juifs, puis musulmans.
« Universalisme à la française », sans rire ?
Après 234 ans de Droits de l’homme les violences sexuelles et sexistes, les actes homophobes et transphobes restent quotidiens, la laïcité s’affirme comme un principe discriminant les musulmans, et l’État français n’a connu que des Chefs blancs, catholiques (ou issus de), hommes cisgenres et hétérosexuels de confession. Universels ?
Les « minorités », qui sont majoritaires, ne demandent plus seulement l’égalité en droits, illusoire dans les faits, et la protection contre les discriminations et les violences. Elles exigent, au nom du principe de réalité, d’être représentées, par elles-mêmes, sur les scènes, les écrans, dans les instances de décision politique et économique ; elles revendiquent une « parole située », la leur, pour parler d’elles-mêmes. Elles construisent un « pluriversalisme » au bénéfice de tous·te·s, où chacun·e peut décider, jusque dans l’orthographe, de ce qui est bon pour iel, tant qu’iel ne nuit pas à la liberté de l’autre, des sien·ne·s, et de l’avenir.
AGNÈS FRESCHEL