La Turangalîla-Symphonie composée pour grand orchestre et deux instruments solistes, piano et ondes Martenot, connut sa création française à Aix-en-Provence sous la conduite de Roger Désormières, à la tête de l’Orchestre national de France, le 25 juillet 1950 (la création mondiale ayant eu lieu à Boston le 2 décembre 1949). Il fallait bien le piano intelligemment sensible de Bertrand Chamayou et les ondes Martenot de Nathalie Forget pour tenir l’exigeante partition de Messiaen servie avec une élégante et bouleversante vérité par l’Orchestre de Paris, dirigé par Esa-Pekka Salonen. « Chanson d’amour, hymne de joie, mouvement, rythme, vie, mort », la traduction du titre sanscrit est polysémique. Voulue comme partie centrale d’une trilogie sur le thème de Tristan et Iseult, elle est précédée dans ce triptyque par le cycle de mélodies Harawi, douze poèmes d’amour et de mort par la soprano Julia Bullock, accompagnée du piano d’Alphonse Cemin et des évolutions des danseurs Or Schraiber et Bobbi Jene Smith.
Avec Harawi, variante péruvienne du mythe des amants maudits, le compositeur mêle à ses propres poèmes des termes quetchua, des onomatopées, qui rendent la narration à la fois fascinante pour l’auditeur et d’une grande complexité d’exécution. La voix de la soprano sut se glisser dans ces pièces avec une subtile élégance, tandis que les pas des danseurs se coulaient dans la puissance évocatrice de la musique. La symphonie concertante Turangalîla frappait par sa liberté de ton, la foisonnante présence des pupitres mis en œuvre, bois, cuivres étoffés de trompettes, cordes, percussions (dont maracas, tam-tam, célesta, vibraphone). Colossale, l’œuvre prenait dans l’enceinte du Grand Théâtre toute son ampleur, ses masses sculptées, ses élans, ses replis, ses rythmes luxuriants, son art de la fresque, son énergie communicative qui subjugua le public.
MARYVONNE COLOMBANI
Concerts donnés les 14 (Grand Théâtre) et 16 juillet (Pavillon Noir), dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence.