Au ZEF, Frédéric Ferrer orchestre un théâtre-réalité aussi cocasse que politique autour du projet de mine de lithium dans l’Allier — une farce écologique et participative où les Nicole font tout sauter
Il y a la télé-réalité, il y a aussi le théâtre-réalité – militant ! Comment Nicole a tout pété se présente comme un contre-débat sur une situation bien réelle : un projet de mine dans le massif central, que ses promoteurs ont baptisé du joli prénom d’Émilie. Frédéric Ferrer, auteur, metteur en scène et acteur a imaginé ce vrai/faux débat comme un pied de nez à cet effet de propagande en renommant le projet N.I.C.O.L.E et (presque) tous les personnages de la pièce Nicole – du nom d’un ouragan de catégorie 1.
Le parti pris est celui de l’ambiguïté : est-ce du théâtre ou un débat parodié ? Le décor est celui, réaliste, d’une salle des fêtes, avec son écran pour vidéo-projection. Le public s’y laisse tout d’abord prendre : certain•es spectateurs•trices lèvent la main pour poser des questions comme s’ils ou elles étaient venu•es donner leur avis. La pièce est composée comme un concerto fait de tableaux successifs pour cinq Nicole, trois animateurs, deux industriels et une autorité publique.
Concerto pour mille voix
Le président du CNDP resitue la soirée au sein d’une série invraisemblable de 20 débats programmés dans la région, saucissonnant la question en sous-problématiques sans intérêt. L’entreprise de Ferrer consiste à démonter cette logique de fragmentation de la question écologique pour la ramener à une approche fondamentale : a-t-on besoin de tant de lithium ? Une Nicole du côté du (vrai/faux) public crie sa colère. Il faut extraire, dit-elle, une tonne de terre pour obtenir les neuf kilos de lithium nécessaires à un SUV d’une tonne, lequel servira à acheter une baguette de 250 g.
Frédéric Ferrer injecte en permanence de l’humour et du cocasse tant les bourdes s’accumulent, surtout du côté du président du CNDP avec ses deux assistant•es. À grand coup d’images de synthèse impressionnantes et de graphiques fort scientifiques, il se lance dans une grande remise en perspective de l’évolution du climat depuis… le carbonifère. La sous-préfète ou les représentant•es de la société suédoise candidate à l’exploitation de la mine en rajoutent quelques couches. L’auteur, en somme, œuvre comme Platon : un dialogue pour laisser se développer le pluralisme des opinions. Ici, la thèse « le lithium dans l’Allier n’est pas une solution pour lutter contre le réchauffement climatique » emporte massivement l’adhésion d’un public très majoritairement jeune au ZEF de Marseille.
CAMILLE LEPATT
Comment Nicole a tout pété a été joué les 14 et 15 octobre au ZEF
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