À l’entrée de la salle, c’est Olga Mesa elle-même qui nous accueille, micro en main, pour nous guider sur le plateau. Le sol est occupé de dessins à la craie de parties du corps, jambes, bras ; les murs sont couverts d’écrans avec des graphiques des plans, des photos. Elle rappelle la création de cette pièce en 1996, qu’elle a décidé de reprendre en la transmettant à une jeune danseuse d’origine russe, Natacha Kouznetsova, dont la prestation a été remarquée lors du Prix de la critique des Arts scéniques à Barcelone en 2020. Ce n’est pas seulement à un spectacle de danse auquel nous assistons mais aussi à la réalisation d’une transmission. À un partage.
Un travail au sol
Il est donc question du corps qui intrigue, qui encombre, qu’il faut apprivoiser. Le travail se fait souvent au sol, les quatre membres s’imbriquent, se croisent, s’écartent comme s’ils n’appartenaient pas au même corps. On pense aux poupées de Hans Bellmer. Une chaussure recouvre une main, l’autre main se plaque entre les cuisses, vers le sexe. Olga surveille, intervient en marchant violemment autour de Natacha, braque des projecteurs aux lumières violentes que spectateurs et spectatrices ne peuvent pas éviter, filme le corps de Natacha. Ces images s’affichent sur le fond de scène et sont juxtaposées à celles de la première création. Les images d’Olga et de Natacha se mélangent. Olga dont le corps a changé. Ne nous a-t-elle pas montré au début la combinaison bleue qu’elle portait vingt ans auparavant et dans laquelle elle ne rentre plus… C’est donc aussi un spectacle sur le corps qui change, le temps qui passe. La bande son de Francisco Ruiz de Infante participe à l’étrangeté de la chorégraphie, mêlée de bruits de ville, de moteurs, de sonneries stridentes, de voix. C’est lui aussi qui a créé le dispositif scénique. L’ensemble compose un spectacle qui peut être parfois déconcertant mais qui révèle une inquiétude, et surtout une rage de vivre.
CHRIS BOURGUE
2019, Ceci n’est pas mon corps a été joué les 13 et 14 octobre au Théâtre Joliette, Marseille