« Nour » signifie lumière. Ce mot aux sonorités limpides, présent dans le Coran comme dans la poésie amoureuse, donne son titre à un spectacle lumineux conçu en collaboration avec l’Institut du monde arabe (IMA). À travers les voix de poètes, de musiciennes et de comédiennes, Nour rend hommage à la richesse, la sensualité, la musicalité de cette langue, souvent stigmatisée dans l’espace public français, ici honorée dans toute sa beauté.
Dans le Lisân al-ʿArab, le grand dictionnaire de la langue arabe de Ibn Manẓūr (XIIIe siècle), on lit que, « as-samar huwa al-ḥadīth fī al-layl, wa-lā yakūn illā baʿda al-ʿishāʾ« , le samar est le discours tenu la nuit, il n’a lieu qu’après la prière du soir. Tradition ancestrale qui permet de savourer les mots, leur mélodieuse interprétation poétique et sensuelle.
Nour puise dans les grandes figures de la poésie classique, Al-Mutanabbî, Ibn Arabi, Mahmoud Darwich mais aussi dans des textes contemporains, écrits par des femmes et des hommes en exil, de la rue, du quotidien. Sur scène, la mise en voix est polyphonique, entre arabe littéral et dialectes du Maghreb, du Machrek ou du Golfe arabo-persique. Chaque accent devient mémoire, chaque mot devient lieu.
Le spectacle, porté par une jeune génération d’artistes issus des diasporas, interroge aussi la place de l’arabe dans les espaces francophones. Langue maternelle pour certains, langue apprise ou transmise, langue interdite parfois, elle surgit ici comme une évidence.
Sous la direction de Julien Colardelle, mises en scène par Radhouane El Meddeb on retrouve Rima Abdul-Malak, franco-libanaise, ancienne ministre de la culture (2022-2024), la poétesse marocaine Rim Battal ou Camélia Jordana, chanteuse et comédienne franco-algérienne.
À contre-courant des représentations négatives qui associent la langue arabe à la violence ou à l’archaïsme, Nour la montre comme un espace de création, de sensualité, de pensée. Avec sa grammaire du souffle et sa puissance d’image, elle permet de dire autrement le corps, le désir, la terre, le temps. En la mettant à l’honneur, le spectacle réhabilite des imaginaires marginalisés, et offre aux jeunes générations arabophones ou arabisantes un miroir dans lequel elles peuvent se reconnaître.
Une invitation à écouter autrement. À se laisser traverser. À redonner à la langue arabe sa place dans le concert des langues vivantes, en France et ailleurs. Une langue de lumière, pour dire les ombres et les clartés du monde.
SAMIA CHABANI
Le 15 juillet à 22h
Cour du Lycée Saint-Joseph
Retrouvez nos articles Scènes ici