mercredi 2 octobre 2024
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OCCITANIE : La contre-offensive poétique d’Ophélie

C’est une reprise qui est jouée par la Troupe associée du Théâtre des 13 Vents du 7 au 20 décembre : Institut Ophélie, pièce écrite par Olivier Saccomano et mise en scène par Nathalie Garraud, la direction artistique bicéphale du CDN de Montpellier. Entretien

Zébuline. Pour quelle raison avez-vous décidé de reprendre Institut Ophélie, pièce que vous avez créée à l’automne 2022 aux 13 Vents ? 

Olivier Saccomano. La vie d’une pièce a plusieurs étapes. Quand les premières représentations ont eu lieu aux 13 vents en octobre 2022, après un long processus de répétitions, étiré par les épidémies, c’était, comme on dit pour les bateaux, la mise à l’eau. À partir de ces premières représentations, un nouveau travail a commencé pour nous, qui s’est poursuivi au fil de la tournée : nous découvrons dans la pièce des recoins inexplorés ou reprenons des zones momentanément laissés en friche. C’est un processus d’apparition, d’enquête. La reprise de la pièce cette saison fait partie de ce processus. Il est important, quand c’est possible, de faire vivre le répertoire : les œuvres et les artistes ont besoin de ce temps de mûrissement et de creusement. Et puis, cette reprise marque à la fois le retour de la pièce sur son lieu de naissance (ou sur le lieu du crime) et le début d’une deuxième saison de tournée. C’est une sorte de seuil symbolique qui est important. 

La pièce a-t-elle beaucoup évolué depuis sa création ? 

Nathalie Garraud. En réalité, le travail ne s’arrête jamais et la pièce vit des métamorphoses successives. On répète tous les après-midis avant de jouer, et dans chaque séance de travail, dans chaque représentation, se jouent des micro-déplacements parce qu’on se met à entendre, à comprendre des choses nouvelles. Alors disons que la structure d’ensemble de la pièce n’a pas changé mais qu’au cœur de son mouvement, des modifications se sont opérées, des gestes se sont précisés ou affirmés, et le mouvement lui-même s’en trouve peut-être approfondi ou amplifié. 

Institut Ophélie a été conçue en diptyque avec Un Hamlet de moins, qu’est-ce que cela dit de votre compréhension du personnage shakespearien d’Ophélie ? 

O. S. C’est d’abord une expérience de théâtre : l’actrice qui jouait Ophélie dans Un Hamlet de moins (Conchita Pas) joue ici une femme qu’on pourrait dire hantée par l’image d’Ophélie, c’est-à-dire par l’image de jeune fille sacrifiée, qui pèse lourdement sur les représentations féminines. Mais notre pièce, de ce point de vue, est une sorte de contre-offensive poétique : Ophélie nous sert de guide pour traverser et subvertir un héritage, et la façon dont il traverse l’histoire, du début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Le nom d’Ophélie parcourt la pièce, mais ce n’est plus le nom d’un rôle ou d’une personne, c’est le nom d’une lutte féminine avec et contre les images qu’une époque institue. Le trajet de cette femme, qui n’est ni fille ni épouse, n’a rien de sacrificiel. Sa solitude conquise, peuplée de fantômes, de spectres, de figurants de l’histoire, de questions, est une solitude joueuse, violente, souveraine.

Entretien réalisé par ALICE ROLLAND

Institut Ophélie
Les 7, 8, 13, 14, 15, 19 et 20 décembre 
Théâtre des 13 Vents, Montpellier 
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