Souffrante, la jeune Glass Marcano s’est vue remplacer au pied levé par son confrère Federico Tibone à la tête de l’orchestre marseillais sur un ambitieux programme. Loin de se laisser impressionner, le chef italien s’est courageusement emparé des deux impressionnants opus sans démériter.
Le Concerto pour violon op.53 de Dvořák, servi par le soliste Simon Zhu, fait dialoguer ses doubles cordes acrobatiques avec de beaux traits orchestraux – dont de nombreux, solistes, du hautbois et du pupitre des vents, toujours impeccables. La battue du chef est omniprésente, les effets rares mais les contours demeurent d’une grande finesse : la direction, discrète, accompagne la performance lyrique du violoniste, aux aigus perçus et aux graves gorgés de sanglots.
Tarte ou kitsch ?
On part un peu plus à l’Est au retour de l’entracte avec la sublime Symphonie Pathétique de Tchaïkovski. Pensée par le compositeur comme la plus achevée de ses pièces orchestrales, cette ultime symphonie ne connut cependant que peu de succès du vivant du compositeur : la faute à une ampleur sentimentale taxée, du côté du Rhin, de sentimentalisme ?
Il semble aujourd’hui impossible de percevoir, sous le tragique perpétuel, la « poudre aux yeux » raillée par Mahler, ou même le « kitsch » condamné par Wagner. L’opus magnum brille plus que jamais par la finition mais aussi l’originalité de sa forme : et il fut ici servi par un orchestre au mieux de sa forme, dans la complicité de ses cordes comme dans la précision et l’acuité de ses vents – mention spéciale, sur ces passages délicats, aux bassons et aux cors.
Terrassant, l’Adagio lamentoso qui conclut le tout obscurcit pour toujours tout horizon, là où l’usage voudrait laisser entrevoir une faible éclaircie. Tout espoir semblait-il alors impossible au compositeur, qui dédia la symphonie à son amant secret Vladimir Davydov, et déclara avoir signé, à l’instar d’Hector Berlioz, une symphonie à programme ? Ce programme qu’il souhaitait « inconnu de tous » résonne avec une poignance infinie.
SUZANNE CANESSA
Concert donné le 17 avril à l’Opéra de Marseille
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