Depuis quelques temps, le jeune public a son cirque d’auteur, et de grands noms s’y collent – de Phia Ménard, qui ouvrait la voie il y a une quinzaine d’années avec L’après-midi d’un foehn, à Mélissa von Vépy ou encore Jean-Baptiste André. Pour Coline Garcia, c’est un sacerdoce : dès sa création en 2016, sa compagnie SCoM creuse le sillon d’un cirque contemporain pour le très jeune public, un domaine qu’elle constate alors déserté. Son premier triptyque embrasse les thèmes du corps, de la maison et de la famille, avec notamment le très remarqué TRAIT(s) en 2021, « essai de cirque graphique » se basant sur les univers de Miro et Kandinsky via une Roue Cyr enduite de peinture, sillonnant une page blanche géante.
Au Théâtre Massalia le 8 février, place à Baoum !, sa création 2024. Toujours un mot simple claquant comme une onomatopée, et un nouvel accessoire fort : ici, c’est le rond qui prend toute sa place. Tour à tour gonflés, relâchés, éclatés, les ballons de baudruche surlignent le travail respiratoire, décomposent le mouvement, suspendent l’instant. De contorsions au milieu du public en beatbox humaine, la bande sonore ouatée se compose avec les sons corporels du duo, captés en direct : souffle, raclements de gorge, battements de coeur… Jolie idée : confier des ballons à certains enfants des premiers rangs, qui les donnent à l’artiste au fur et à mesure que les autres éclatent, comme une manière douce d’initier au concept d’implication dans le spectacle vivant, une réelle expérimentation corporelle partagée.
Risque partagé
« Comment on fait pour que ça ne tombe pas ? » Autre manière de mettre l’expérience en partage, avec La Volte Cirque. Ici, porteur et voltigeur se posent à haute voix les questions qui les animent : la sensation physique de la peur, l’attrait immodéré du vide, la quête d’adrénaline, la manière de conjurer le sort, la nécessaire confiance en l’autre… De ce jeu avec les limites – de soi comme des lois physiques –, le bien nommé De bonnes raisons propose une approche ludique. Sidney Pin et Matthieu Gary prennent cependant soin de ne jamais se poser en super héros. Le duo désamorce toute tentation de prise d’ascendance sur un public subjugué, en osant par exemple l’exploit avec l’étiquette du slip qui dépasse !
Souvent malin, le spectacle évoque le risque partagé, tacite entre artistes et public, rendu plus tangible encore par des acrobaties de proximité : jamais on n’aura vu – senti presque en son for intérieur – d’aussi près un numéro de bascule ! Composer la partition de l’effroi parmi les spectateurs, évoquer le risque d’instrumentaliser les peurs… Le cirque peut évoquer tout ça à la fois, et c’était une belle manière de célébrer cet art collectif, pour l’un des derniers spectacles de la Biac, sur la magnifique presqu’île des Sablettes hébergeant l’espace chapiteaux du Pôle à La Seyne-sur-Mer.
JULIE BORDENAVE
La Biac s’est tenue du 9 janvier au 9 février 2025 dans la Région Sud.
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