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Perdus hors du servage

Serge Noyelle et Marion Coutris livrent une Cerisaie qui se regarde sombrer, mais porte les espoirs d’une jeunesse en train d’éclore

Janvier 1904. Tchekhov, atteint de tuberculose, sur le point de mourir, écrit La Cerisaie. Le servage, esclavage à la russe, est aboli depuis 40 ans à peine et la Révolution de 1905, qui dotera le pays de sa première Constitution, se prépare. Depuis un an les Mencheviks, qui défendent un Parti communiste populaire et rural, s’opposent aux Bolcheviks. Tchekhov écrit une comédie depuis sa campagne, et s’étonne que Stanislavski mette en scène comme un drame ce qu’il a conçu comme la caricature d’un vieux monde en train de sombrer, sans la tendresse de ses drames précédents.

Car on y retrouve les personnages typiques des grandes pièces que Tchekhov a écrites depuis 10 ans. Comme dans Oncle VaniaLa Mouette et Les Trois Sœurs, des aristocrates désargentéset esthètes se repaissent dans l’inactivité, un oncle sans sexualité (homosexuel ?) aime ses nièces, entouré d’anciens serfs devenus moujiks puis marchands enrichis, de serviteurs plus ou moins zélés ou ridicules, et d’un intellectuel, docteur ou précepteur, qui porte l’idéal révolutionnaire, féministe et écologiste. 

On y trouve aussi la jeune aristocrate idéaliste et sa sœur adoptée, terre à terre, qui gère le domaine. Et Lioubov, centre et cœur de la Cerisaie, femme « libre » pétrie de contradictions et de charme, jouée sans concession par Marion Coutris qui laisse éclater sa douleur mais aussi son mépris de classe.

Bien finir

Ainsi la fin de la Cerisaie est bien celle d’une comédie : elle s’ouvre sur un départ, un monde nouveau qui s’ouvre, une promesse explicite : « Pour commencer une vie au présent, nous devrons d’abord expier notre passé, en finir avec lui » explique le précepteur à la jeune héritière d’un servage aboli qui rode encore en coulisses. Lopakhine le capitaliste coupera les arbres, Trofimov le précepteur emmènera tout le monde à Moscou, loin de l’esclavage.

Serge Noyelle a fait le même pari de la jeunesse, confiant à de jeunes acteurs l’essentiel des rôles. Deux mondes coexistent, l’un baroque, fantaisiste et décadent, l’autre plein d’énergie et d’espoir, classique et raisonnable. Renonçant aux costumes, maquillages, décors loufoques et jeux macabres qui ont fait le succès des Nono, cette Cerisaie affirme qu’une génération nouvelle arrive, adepte du texte, sans amplification ni vidéo, sans adresse au public, confiante dans la puissance du répertoire théâtral, et la force du jeu. 

AGNES FRESCHEL

La Cerisaie
Jusqu’au 29 mars
Théâtre des Calanques, Marseille

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