vendredi 28 mars 2025
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
AccueilScènesPourquoi faut-il nous réunir ?

Pourquoi faut-il nous réunir ?

Joël Pommerat repart en tournée avec La Réunification des deux Corées, sa pièce créée en 2013. Elle est donnée à La Garance, Scène nationale de Cavaillon ces 26 et 27 mars, après avoir était jouée à Montpellier en février dernier, où Zébuline était

La reprise de la pièce dans une version frontale, 12 ans après sa création, joue à guichets fermés durant toute la tournée prévue. Elle relève pourtant d’un pari audacieux, celui de reprendre le texte avec la même distribution, qui a vieilli, et dans une frontalité de théâtre qui ne les inclut plus dans un espace commun avec le public, comme en 2013, où les spectateurs se faisaient face. S’interrogeant sur ce qui unit, attire, déchire les couples, La Réunification des deux Corées 2.0 reste tout autant dépressive, à la fois désespérée et drôle, avec un puissant relent de naphtaline qui surgirait de tiroirs anciens brutalement – mais temporairement – rouverts.

Désarrois de l’amour

Les 20 tableaux sont des scènes de genre, inspirées d’un théâtre de boulevard où les excès ne seraient plus ceux des quiproquos absurdes et des infidélités cachées comme chez Labiche ou  Ruquier, mais des crimes et des désespoirs banals, communs comme des faits divers. Joël Pommerat nous demande, à 20 reprises, pourquoi nous cherchons à nous unir, nous réunir, nous désunir, avec tant d’insistance. Jusqu’où nous acceptons d’aimer l’autre et ce que signifie sa perte.

Les scènes les plus drôles – celle où une femme est sur le point d’épouser un homme quand elle apprend qu’il a aimé, avant elle, toutes ses soeurs (4!), celle ou un mari et une femme, voisins, attendent leurs époux respectifs, qui visiblement couchent ensemble – laissent apparaître, au-delà de leurs invraisemblances cumulatives, des désarrois que le boulevard ne connaît pas.

Un effroi qui tourne à l’horreur quand une femme réconforte son mari, tueur en série, lui assurant qu’elle aime ce qu’il y a de bon en lui ; ou quand un instituteur dévoile peu à peu son amour pour un jeune garçon qu’il a (l’a-t-il ?) abusé ; quand une femme demande à sa compagne de lui rendre son cœur, d’effacer ses traces, avant de la quitter. La scène la plus forte demeure celle d’une femme qui oublie son mari chaque jour, et le récit quotidien qu’il lui fait, de leur amour, de leurs enfants, de leur désir, avant de la perdre à nouveau.

Chacune de ces scènes s’inscrit dans des couloirs de lumières projetés au sol, des fantômes d’espaces, des motifs surannés, des perruques et des costumes grisonnants venus d’un temps disparu. Des spectres du passé surgissent parfois, qu’on étreint puis qu’on éconduit. Les voix murmurent, les cris jaillissent comme des exceptions, des tonnerres. Réunir les deux Corées, parties d’un même être irréconciliable, est décidément impossible.

AGNES FRESCHEL

La Réunification des deux Corées
26 et 27 mars
La Garance, Scène nationale de Cavaillon

Retrouvez nos articles Scènes ici

ARTICLES PROCHES
- Plus d'infos, cliquez ici -spot_img

Un Candide au pays de Brassens 

Tout comme L’amour des choses invisibles, également publié aux éditions Grasset, le nouveau roman de Zied Bakir est très largement inspiré de la vie de l’auteur, né en...

Parfums d’exil

Le narrateur n’a pas de nom mais c’est un « arabe qui sourit ». Syrien réfugié à La Rochelle, il est « nez ». Il fabrique des parfums aux flagrances d’exil et...