En octobre et novembre, La Criée programme 65 rue d’Aubagne de la Cie du Cri, dans différents théâtres de la Métropole. Entretien avec Mathilde Aurier, autrice et metteuse en scène
Zébuline. L’écriture de cette pièce est partie de votre rencontre avec une survivante des effondrements de la rue d’Aubagne, Nina, et a donné lieu à un travail d’enquête auprès d’associations, d’autres survivant·es…
Mathilde Aurier. D’autres survivants, non. J’ai rencontré des personnes délogées, des associations, les riverain·es, enfin toutes les paroles que j’ai pu recueillir. Mais comme survivante, seulement Nina, dont l’histoire reste le fil rouge de toute la narration. Ce qui m’intéressait était d’articuler un récit très intime et des voix collectives, une mémoire collective qui gravite autour de cela. Il y a des voix, des paroles, d’autres histoires qui se mêlent. C’est un récit assez choral finalement.
Comment cette narration fragmentée se traduit-elle en termes de mise en scène ?
Son lit est tout ce qui lui reste après les effondrements, c’est son dernier refuge. J’aime beaucoup cette idée du lit, qui est selon moi le cœur de l’intimité. C’était donc évident de partir de ça. Tout autour gravitent d’autres espaces, notamment une façade derrière elle, qu’on devine être celle du 65, mais qui a été texturée et pensée pour rappeler la dent creuse qu’il y a aujourd’hui rue d’Aubagne. On a aussi des éléments extérieurs qui arrivent, une teuf, la mairie, la plage… Toute sa vie fragmentée est retracée visuellement et dans la mise en scène autour d’elle.
Vous pratiquez un théâtre « documenté » et non pas documentaire. Quelle part la fiction a-t-elle dans cette pièce ?
J’ai fictionnalisé le personnage, certaines scènes qui auraient pu se dérouler… Quand j’ai rencontré celle qui m’a inspiré le personnage de Nina, il y a des choses qu’elle m’a racontées que j’ai prises un peu pour moi, et je me suis un peu, comment dire…
Projetée ?
Non, pas projetée, mais il y a des choses qui ont fait écho. Moi aussi, je suis une jeune marseillaise, Nina a peu près le même âge que moi.
Pour moi, c’était important d’aller dans cet aspect de pièce documentée parce que ça me permettait d’amener aussi mon univers théâtral, ma langue, mes sensibilités, ma vision de ce que ce drame a été et est encore aujourd’hui. Sa traversée tout au long de la pièce est parsemée de cette fiction-là.
Pourquoi avoir décidé de travailler avec la Jeune Troupe de La Criée ?
C’était une proposition de La Criée. Pour moi, amener des comédien·nes de ma compagnie, et travailler aussi avec des acteur·ices fidélisés avec La Criée, ça faisait complètement sens pour ce projet, car c’est un spectacle sur lequel La Criée et ma compagnie allions vraiment nos forces.
La Criée programme votre pièce dans différents théâtres de la Métropole. Comment cela a-t-il été pensé ?
Dès le début, on a eu la volonté de faire tourner ce spectacle sur le territoire des Bouches-du-Rhône, et de vraiment pouvoir aller à la rencontre des publics. On aura aussi une tournée des centres sociaux, dans lesquels on va faire des ateliers avant et après le spectacle.
Pour nous il fallait aussi avoir cette version plus itinérante du spectacle où tout rentre dans une kangoo et on peut partir faire découvrir cette histoire qui traite des effondrements de la rue d’Aubagne mais aussi du mal-logement, de l’insécurité, de la violence administrative, du deuil, de la reconstruction, de la solidarité… C’était une proposition de la Criée, comme le fait de travailler avec les apprentis, ça fait totalement sens qu’on puisse amener ce projet dans plein d’endroits différents.
Avec une scénographie plus réduite, donc ?
C’est ça. Une création lumière plus réduite aussi, de même pour la création sonore.
Et c’est cette version qui sera présentée à l’Astronef ?
Tout à fait.
PROPOS RECUEILLIS PAR CHLOÉ MACAIRE
65 rue d’Aubagne
Du 15 au 17 octobre
Astronef, Marseille
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