Voir la communauté LGBTQIA+ de New York des années 1970, en photos, c’est en prendre plein les yeux, d’un bonheur multicolore et multigenre. Mais c’est aussi se faire asperger d’une tristesse pas si passagère. David Armstrong, lui-même homosexuel, ne se doutait pas, quand il prenait en photo ses amis, que nombre d’entre eux succomberaient du VIH quelques années plus tard.
De ces visages photographiés, récurrents ou ponctuels, camarades de longue date ou rencontres furtives, on se demande avec douleur lesquels sont restés. Depuis le début des années 1980, plus de 90 millions de personnes ont été touchées par le sida, et 44 millions en sont décédées, d’après l’OMS. Aujourd’hui on vit avec. Mais il y a 40 ans c’était presque une sentence de mort imminente.
L’essence d’une époque
Dans la pénombre du sous-sol de la Tour s’alignent sur les murs des centaines de ces portraits en noir et blanc, assortis de planches contact révélant quelle photo a été choisie, laquelle non. Rieurs, insouciants, ou plus graves, certains ont été pris sur le vif, d’autres ont posé longuement pour le photographe. Sont parsemés çà et là des clichés de paysages flous et décentrés, plus tardifs, pris en pleine épidémie à la fin des années 1980 par l’artiste. Comme pour rappeler la tragédie à suivre.

Armstrong, on l’imagine dans les yeux de ses sujets, qu’ils fixent l’objectif. L’appareil cherche le regard. Bien souvent il le trouve. Mais dans la diversité de l’agencement de chaqueportrait se distingue fréquemment la volonté propre de chacun, maquillés, déguisés, nus, ou enveloppés de tissu. Sur les négatifs étalés au centre de la pièce, brille cette liberté de présentation et de représentation de soi-même.
Rien n’est laissé dans l’ombre. Quand le noir et blanc de ces portraits apportait mélancolie, détachement et rêverie, la couleur éclatante des images qui défilent sur les écrans de la salle d’à côté ancre, brutalement, la photographie d’Armstrong dans la réalité. Sans tabou nijugement, il documente un mode de vie newyorkais, jeune, débridé, d’un temps où le danger d’un flash d’appareil photo dans une voiture en marche n’était pas spécialement perçu, ni celui de cette maladie insidieuse dont on commençait à parler.
GABRIELLE SAUVIAT
David Armstrong
Jusqu’au 5 octobre
Luma, Arles
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