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Reda Kateb : « Je ne me suis jamais dévoilé autant que dans ce film »

Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, Reda Kateb s’invite dans un hôpital pour enfants avec les clowns professionnels du Rire Médecin. Entretien

Zébuline. Votre premier film se déroule dans un espace particulier. Comment êtes-vous entré en contact avec ce monde-là ?

Reda Kateb. En tant que spectateur, j’aime que le cinéma me donne accès à des mondes que je ne connais pas. Lorsque j’ai découvert le livre de Caroline Simondset son travail pour Le Rire Médecin, j’ai su que je pourrais en tirer un film intéressant. J’ai toujours été fasciné et très touché par l’impact que peut avoir le geste artistique dans la vie, autre que celui d’être admiré, placé sur un piédestal. Ce qui se passe dans une chambre d’hôpital est de l’ordre du rituel. Il y a plus d’acteurs que de spectateurs ! Et même l’enfant interagit avec les clowns : personne n’est passif dans cet échange. Aujourd’hui, une littérature médicale montre que cet art-là améliore les réactions au traitement. C’est cette histoire de lien que je voulais raconter. Mon travail d’observation à l’hôpital Necker a duré à peu près six mois. J’ai senti que ce terrain était vraiment fort pour raconter cette histoire : ce que j’ai senti dans les services hospitaliers pour enfants, c’est à quel point les artistes et les personnels du soin étaient dans le vrai, dans une sorte de bain de vérité, de révélateur d’humanité. 

Comment avez-vous ensuite construit votre scénario ?

Je me suis retrouvé, alors que je n’étais qu’observateur, à chanter Une souris verte à la petite Baya. Puis à rendre visite à d’autres enfants avec la même intensité. Je n’ai ensuite filmé que des scènes auxquelles j’avais pu assister : voir des clowns, entonner une reprise très personnelle de Sur la route de Memphis, une infirmière esquisser un pas de danse, un enfant sourire ou un couple de parents venant d’apprendre un diagnostic, et se serrant dans les bras. Dans une même journée, on peut rire ou pleurer en l’espace d’une demi-heure. J’ai voulu raconter cette énergie-là, très particulière. J’ai ensuite pensé au personnage de Zouzou, une acrobate accomplie, très douée mais vivant comme dans une bulle, qu’une chute forcerait à repenser son rapport à son corps et à son art. J’ai pensé que cette rencontre avec une autre forme d’art, le clown, lui permettrait de retrouver goût à l’art et surtout à la vie.

Comment avez-vous choisi la distribution de ce film ? Et pourquoi ne pas y être intervenu en tant qu’acteur ?

Je ne voulais pas apparaître en tant qu’acteur, et j’ai eu la chance que la production me suive dans ce choix-là alors qu’il n’était pas forcément le plus bankable. Pourtant, je pense ne jamais m’être dévoilé autant que dans ce film ! Le passage derrière la caméra signifiait, à l’instar de mon héroïne, aborder mon art sous un angle différent, et peut-être plus intime. Je ne concevais pas ce projet sans Aloïse Sauvage. Je suis particulièrement admiratif de son travail. Je la trouve très actuelle, très contemporaine. Elle n’est pas qu’actrice : elle est également une acrobate très douée, on la connaît aujourd’hui surtout en tant que musicienne et rappeuse, ses chansons commencent à être dans toutes les oreilles… Elle me fait penser à ma petite sœur, qui a quinze ans de moins que moi. Il y a un déficit de représentation de ces femmes-là, de cette génération-là au cinéma. Je tournais avec elle lorsque je découvrais le livre de Caroline Simonds. Et je n’arrivais pas à envisager d’autre actrice pour le rôle. C’était son premier long-métrage en tant que rôle principal, et mon premier long-métrage en tant que réalisateur. Nous nous sommes donc accompagnés sur cette expérience, cette double première fois ! J’ai aussi vite pensé à Elsa Wolliastondans le rôle de Tamara, la directrice de l’association. C’est une grande artiste, précurseuse dans la danse contemporaine africaine : elle a vécu au Kenya et aux États-Unis. J’ai vite su que c’était elle que je voulais. Je ne voulais pas d’une actrice trop connue ou technique, mais quelqu’un qui amène un charisme, une histoire, dans son regard et dans sa présence, un mélange d’autorité et d’une réelle sensibilité. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SUZANNE CANESSA dans le cadre d’une rencontre aux Cinémas Aixois

Sur un fil, de Reda Kateb
Présenté en avant-première le 24 octobre dans le cadre de la 46e édition de CINÉMED
En salles le 30 octobre

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Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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