Gaza, quel avenir ? vient de sortir chez Stock. Lætitia Bucaille débute par un avant-propos très personnel qui situe sa parole : celle d’une sociologue française arabophone qui a vécu dans des camps, en Cisjordanie, à Gaza ville, a enquêté sur le Fatah et le Hamas depuis les années 90, a appris l’hébreu puis y a renoncé durant l’Intifada-al-Aqsa (2000).
Après ce préambule où elle se met en scène avec sa fille le 7 octobre, elle entre dans le sujet, et s’efface : la question de l’avenir de Gaza doit être posée, en écartant un à un les plans délirants d’éradication d’un ou de l’autre peuple, et sans occulter la violence, les morts, les viols, les impasses dont il va falloir sortir malgré la solidité des murs.
Car nécessité est claire de « prendre langue ». Avec le Hamas, clairement terroriste, ayant commis le 7-octobre un acte d’une barbarie sans nom plus traumatique encore que le 11-septembre à New York ou le 13-novembre à Paris. Avec le gouvernement génocidaire d’Israël. Avec les colons et leurs victimes. Avec les états voisins et leurs réfugiés candidats au retour. Entre le Fatah et le Hamas, peut-être par l’entremise d’une personnalité comme Marwan Barghouti.
Le cheminement de l’essai est clair, historique, thématique. L’autrice montre comment les accords d’Oslo ont été trahis par la droite israélienne et ont affaibli le Fatah, discréditant l’Autorité palestinienne et permettant au Hamas de prendre le pouvoir à Gaza. Elle étudie la Cisjordanie et explicite la scission de l’Autorité palestinienne. Et elle cite des enquêtes précises qui recensent une conviction partagée : 64 % des Israéliens pensent que les Gazaouis veulent tous, comme le Hamas, la disparition d’Israël.
Les peuples doivent vivre

Lætitia Bucaille documente peu « les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité » que commet Israël à Gaza, pourtant à l’origine de son livre et de sa réflexion, objets d’un court chapitre où l’emploi du terme de génocide est sans ambiguïté. Car il ne s’agit pas de dénoncer, de reconnaître, même si elle appelle à la mise en place d’une justice transitionnelle pour punir les crimes.
Fondamentalement, la politologue cherche à comprendre comment les idées de l’extrême-droite israélienne suprémaciste sont parvenues au pouvoir, alors qu’elle est minoritaire dans le pays et plus encore dans la diaspora internationale dont le soutien est indispensable. Elle esquisse des hypothèses, solides et multiples, propose des voies à emprunter, rappelle que les peuples gazaouis, cisjordaniens et israéliens peuvent reprendre le pouvoir, et doivent, en tout état de cause, se parler.
L’enjeu n’est pas local, et il n’y a pas d’autre solution que de sortir du conflit. Lætitia Bucaille nomme le piège tendu par les extrêmes droites européennes dans leur soutien inconditionnel à Israël depuis le 7-octobre. Giorgia Meloni, Marine Le Pen, Viktor Orbán, alors que leurs partis sont les héritiers directs du fascisme, du nazisme et de la Shoah, se posent aujourd’hui en paradoxaux remparts contre l’antisémitisme des immigrés, des musulmans. Sans illusion, elle rappelle que dans leur « obsession » anti-arabes, « les Juifs ne sont que des alliés provisoires ».
Elle conclut en disant qu’il s’agit, en Israël et partout « de retrouver comme boussole commune l’impératif moral universel plus jamais ça ». Les solutions doivent exister, ou l’avenir n’a plus de nom.
Agnès freschel
Laetitia Bucaille sera présente à la première table ronde, « Prendre langue, Converser » le 21 novembre à 14h30
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