Le ciel, comme la terre et les eaux, est désormais pollué. Un constat qui a préoccupé Juliette Bessette et Enguerrand Lascols, commissaires de la nouvelle exposition temporaire du Mucem. Alors que jamais les moyens techniques, permettant d’étudier des étoiles extrêmement éloignées, n’ont été aussi puissants, l’œil humain les perçoit de plus en plus mal, derrière un voile de pollution lumineuse.
« La plupart des jeunes n’ont jamais vu la Voie Lactée », déplore l’astrophysicien Éric Lagadec dans le beau catalogue édité à cette occasion, en précisant qu’au delà de cette perte, l’éclairage nocturne est l’un des facteurs majeurs de l’effondrement de la biodiversité. Un photomontage de Thierry Cohen, frappant, marque le visiteur : issu de sa série « Villes éteintes », il juxtapose une vue de Venise avec un ciel étoilé somptueux, capté dans une zone encore préservée du Dakota du Sud. Le ciel de la Sérénissime tel qu’il a été durant des siècles, comme il pourrait être à nouveau si l’emprise anthropique se desserrait.
3000 ans de rapport au ciel
« Le danger de la rupture du lien entre l’humanité et les étoiles, écrit Enguerrand Lascols, est un enjeu culturel primordial ». Les deux co-commissaires ont donc visé la restauration de ce lien, en ce concentrant sur l’espace méditerranéen, et son histoire pluri-millénaire. Grâce aux prêts de musées nationaux et internationaux – à commencer par L’Astronome de Vermeer, en majesté dans le parcours – Lire le ciel donne à voir la richesse des représentations religieuses, astrologiques, scientifiques, depuis les premiers textes connus décrivant les astres, au IIIe millénaire avant notre ère, en Mésopotamie, jusqu’aux avancées des savants musulmans.
Sans oublier les usages pratiques qui ont longtemps prévalu dans ce vivier de civilisations, à la fois marines et agricoles : s’orienter dans la navigation, choisir la date des récoltes, ont énormément inspiré les artistes, jusqu’à nos jours. En témoignent le tableau de Camille Corot, L’Étoile du Berger, ou Le rappel des glaneuses de Jules Breton. Notons la « touche » particulière du Mucem, qui juxtapose auprès de ces chefs-d’œuvre de délicieuses cartes de réclame Liebig issues de ses réserves (ou comment faire acheter plus de bouillon en rêvant aux étoiles), ou encore un hilarant diaporama de memes Instagram sur les signes astrologiques.
GAËLLE CLOAREC
Lire le ciel – Sous les étoiles en Méditerranée
Jusqu'au 5 janvier
Mucem, Marseille
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