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Sawa Sawa, accueillir la Palestine

L’Institut Français de Jérusalem a lancé un programme de résidence 2025 pour 57 artistes palestiniens, dans une discrétion qui interroge. Onze d’entre eux sont hébergés par des opérateurs culturels de la région, à Marseille, Avignon, Nice et Cassis  

Durant toute l’année 2025, ce sont 33 artistes palestiniens qui sont accueillis en France, pour des durées très variables, allant de 2 à 8 mois. 24 autres doivent bénéficier de résidences en Palestine, mais la situation de guerre en perturbe fortement le déroulement. Ainsi le festival de danse de Ramallah, qui devait accueillir des artistes du dispositif, n’a pas eu lieu depuis 2022, et est cette année encore fortement compromis.  

Venir en France

Le dispositif Sawa Sawa, qui « vise à la valorisation de la créativité des territoires palestiniens, y compris en temps de guerre » est un projet d’État officiel : c’est le ministère des Affaires étrangères qui a mis en place cet appel à projet porté par l’Institut Français de Jérusalem, invitant les artistes palestiniens à déposer leurs propositions. Les 33 lauréats ont pour certains commencé, voire fini leurs résidences, mais aucune publicité ou communication officielle de l’État français n’accompagne leur présence : des relations de soutien à l’État palestinien, que la France n’a pas encore reconnu et qu’elle nomme « Territoires palestiniens de Gaza, Cisjordanie et Jérusalem », imposent visiblement une discrétion diplomatique. 

La question de la sécurité de ces artistes, qui pourrait aussi expliquer cette discrétion, ne se pose pas, les artistes palestiniens n’étant pas menacés en France. En revanche l’obtention des visas reste problématique. Ainsi le poète Mohammed Al Qudwa, réfugié en Egypte pour fuir les bombardements, vient à peine d’obtenir de la France, qui pourtant l’a retenu pour résidence, le visa qui va lui permettre de venir à Transfestival à Metz, après plusieurs mois d’attente et une annulation au festival Diwan en Lorraine.

Un paradoxe de plus en plus fréquent : les artistes bénéficiant d’une tournée ou d’une résidence en France peuvent obtenir un visa « passeport talent», «profession artistique et culturelle » qui ouvre la possibilité de demander une carte de séjour pluriannuelle. Ce visa permet d’éviter le statut de réfugié, qui restreint notamment le retour dans le pays d’origine, ce que la plupart des artistes palestiniens ne souhaitent pas. Dans un contexte politique de restriction de la politique d’accueil, y compris pour des ressortissants de pays en guerre, l’arbitrage entre les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères semble délicat, et le ministère de la Culture est visiblement peu impliqué…

Au travail pour transmettre

Pourtant l’État français accompagne bien ces artistes, leur permettant de construire des œuvres souvent engagées pour leur pays et la cause palestinienne. Il prend en charge les frais de déplacement, les frais de production des œuvres et donne à chaque artiste une allocation de vie de 1 000 euros mensuels. Les établissements culturels d’accueil, qui participent au choix des artistes, doivent les loger et construire avec eux un programme qui vise à leur faire connaître le tissu culturel français. Et si certains résidents travaillent à des projets lointains, sans présentation prévue en France, d’autres en profitent pour finaliser des œuvres qui seront programmées en France après leur résidence.

Peu contraints dans leurs productions, les artistes sont cependant déjà au travail. Six d’entre eux sont à Marseille, et trois d’entre eux à Avignon, où le Festival, la Scène nationale de La Garance (Cavaillon) et le Train bleu organisaient, avec l’association Présence Palestine, un temps de partage le 9 avril : Mohamed Alaloul, jeune artiste actuellement étudiant à Lille (et qui n’a donc pas besoin de visa !), transmettait le dabkeh, danse traditionnelle palestinienne inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco, à un groupe d’Avignonnais·e·s dont l’une remarquait les points communs avec la farandole provençale…

Les chorégraphes Ramz Sayyam et Nowwar Salem présentaient  leur projet de création chorégraphique et diffusaient leur film Loving the Land. Un court métrage poignant autour d’une maison absente, un cadre vide suspendu à un arbre mort, une eau versée lentement qui se transforme en sang…  Elles vivent à Jérusalem et interviennent dans les camps de réfugiés en Cisjordanie, auprès des femmes et des enfants, utilisant la danse comme force de vie et de résistance. Ramz Sayyam parle clairement du génocide à l’œuvre, de la terreur dans les territoires occupés, de la Nakba (l’exode) de 1948, de la situation de colonisation depuis 1967, d’un futur qu’elle décrit comme une « libération ». 

Nowwar Salem et Ramz Sayyam © Elodie Molle

Une parole qu’elle voudrait faire entendre en France plus amplement, même si elle n’envisage pas un instant de rester en Europe, et veut repartir dès que possible vivre et travailler en Palestine. Son métier de chorégraphe ? Elle l’a appris en dansant le dabkeh, puis lors de résidences en Europe, d’études en Italie. La danse isarélienne ? Elle n’a jamais travaillé de l’autre coté de la ville, ni avec la Batsheva dance company de Tel Aviv. Dont les artistes ne rencontrent aucun problème de visas. 

AGNÈS FRESCHEL 

Les artistes accueilli.e.s en région Sud

Nowwar Salem, danseuse, Théâtre du Train Bleu, Avignon, La Garance, Cavaillon
Ramz Siam, danseuse, chorégraphe,Théâtre du Train Bleu, Avignon, La Garance, Cavaillon
Mohammed Alaloul, plasticien, danseur, Festival d’Avignon
Rula Halawani, photographie et arts visuels, Fondation Camargo, Cassis
Rama Alashqar, artiste visuelle, Villa Arson, Nice
Rehaf Albatniji, photographe, artiste visuelle, Les Beaux-arts de Marseille
Lina Bani Odeh, artiste visuelle, Triangle-Astérides, Marseille
Ashtar Muallem, artiste multidisciplinaire, Meditalents et Music & Cinéma, Marseille
Tamer Tafesh, acteur et metteur en scène, Les Rencontres à l’échelle, Marseille
Bashir Massad, art vidéo, Instants vidéo numériques & poétiques, Marseille
Mays Assi, spectacle vivant transdisciplinaire, Théâtre Joliette, Marseille

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