La puissance des médias détenus par l’extrême droite et ses milliardaires est un danger pour la démocratie. La Commission européenne vient de condamner lourdement Google pour « abus de position dominante », mais la presse et les médias français sont désormais presque tous au service de quelques capitalistes ultra-riches qui ont, à des degrés divers, fait le pari du Rassemblement national pour prendre la suite du désastre macronien.
Échaudés par les années où les gouvernements socialistes ont ralenti, mais non stoppé, l’accroissement exponentiel de leur tirelire, les capitalistes français, élevés au culte de Picsou, ont choisi de combattre la gauche en finançant la désinformation des citoyens. Quitte à promouvoir, comme le patronat des années 1930, les équivalents de Mussolini, Franco, Pétain et Hitler.
Afficher la propagande
Leur conquête du pouvoir mondial passe aujourd’hui non par le contrôle du cinéma naissant comme au temps de Disney, mais par celui des réseaux sociaux, où chacun peut exprimer librement sa haine de l’autre. La majorité des médias d’information hexagonaux emboîte ce pas martial et malsain, et on ne compte plus les silences, les manipulations et les approximations éditoriales dénoncées par Acrimed*.
Cette fabrique de l’opinion française passe aussi par l’édition, diffusée en particulier par les réseaux Relay, filiale du groupe Hachette détenu par Bolloré. Celles-ci font aujourd’hui la promotion, dans toutes les gares de France où l’essentiel des ventes de presse et de livres s’effectue, des idées de l’extrême droite. Cela passe par la surdiffusion des livres de Bardella et de De Villiers, dont l’affichage compte plus que les ventes : comme Valeurs actuelles, condamné de nombreuses fois pour incitation à la haine raciale, ces « essais » diffusant l’idéologie de la droite extrême sont systématiquement placés dans les rayons les plus visibles.

Simuler l’incendie
Cette propagande se fait aujourd’hui au nom de la liberté d’expression sur les réseaux et dans les médias, et de la liberté de création dans le monde culturel. Fayard édite les Sermons de Marcel Pagnol, où le coureur de jupons notoire joue le père la morale de la « femme adultère », le 6mic aixois accueille Notre Dame de Pierre, spectacle qui fait l’apologie d’une France chrétienne, blanche et royaliste, le Château de la Buzine diffuse et promeut les leçons navrantes de Sacré Coeur. Mieux encore, le Rocher Mistral illumine le Château de la Barben en rouge « couleur du martyre », en « soutien aux chrétiens persécutés »…
On peut en rire, et se dire qu’il y a peu de chrétiens persécutés parmi ceux qui peuvent voir « ce symbole de solidarité » qui « rappelle que la liberté de conscience et de culte demeure un droit fondamental ». L’illumination nocturne rougeoyante ne cherche pas à faire cesser une persécution, mais à entretenir la peur de la disparition de la France éternelle. Celle où les sujets du roi ont pris les armes pour devenir des citoyens et ériger la République et la Nation en brûlant les châteaux. Celle dont Stérin, De Villiers, Bolloré et les autres ne cessent de pleurer la disparition due à l’avènement du peuple.
Démos, le peuple
La démocratie est fragile. Elle repose aussi sur le respect du droit d’expression des esprits totalitaires. Mais quand le capitalisme s’allie à eux et met en avant leur propagande, il s’agit d’affûter les armes de la résistance, de dénoncer leurs alliances médiatiques et la lente érosion de la culture de service public.
Comme les Nouvelles Rencontres d’Averroès, il faut promouvoir les essais de véritables historiens, sociologues, universitaires, politologues, philosophes, de véritables artistes qui incarnent et analysent la pluralité, la diversité, l’attention aux faibles et aux opprimés de l’histoire. Pas les aristocrates catholiques de l’Ancien Régime.
Agnès Freschel
*Acrimed (action-critique-média) est un observatoire associatif des médias de référence
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