lundi 30 juin 2025
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Shooting de monde

Les Rencontres d’Arles s’intéressent cette année aux « images indociles », dans une édition qui regarde pleine face les défis du monde 

Sur l’affiche, un jeune homme déguisé en super-héros, sur une vieille carcasse de voiture. Casque sur la tête façon Marvel, bouclier en carton, cape en sac poubelle, il trône fier, figé en contre-plongée. Une image « indocile », comme le veut le titre de cette nouvelle édition. Les optimistes la verront comme un pied-de-nez aux puissants de ce monde… aux pessimistes de voir l’impuissance des petits face aux géants. 

À lire son édito, le directeur des Rencontres d’Arles Christoph Wiesner se range peut-être dans la première catégorie. Pour lui, cette édition offre « un contrepoint essentiel aux discours dominants » que sont la « montée des nationalismes » et « l’essor du nihilisme ». Il convoque aussi l’œuvre du philosophe Édouard Glissant, dont on peut voir le concept de « Tout-monde » transparaître dans bien des propositions. Décoloniale beaucoup, la photographie de cette édition 2025 se fait aussi sociale, humaniste, ou archive, dans les dizaines d’expositions à découvrir du 7 juillet au 5 octobre, à Arles, mais aussi dans plusieurs villes de la région. 

Australie-Brésil

L’exploration commence en Australie avec On Country, porté à la fois par le festival d’Arles et Photo Australia de Melbourne. Une dizaine de photographes, autochtones et non-autochtones, explorent les liens complexes qui unissent les hommes, les femmes, à leur terre, dans des images qui reflètent la diversité de ce pays marqué par deux siècles et demi de colonisation. 

D’Australie, le parcours s’en va ensuite vers le Brésil à l’église des Trinitaires. Y est présenté Futurs ancestraux, une exposition collective portée principalement par de jeunes artistes, qui passent au crible le passé raciste, colonial et homophobe de leur pays. Le tout dans des pièces qui allient photographie contemporaine, archives, collages, vidéo et même intelligence artificielle. 

Des focus artistes

Les Rencontres ouvrent également l’œuvre de la photographe Claudia Andujar. Née en Suisse en 1931, survivante de la Shoah, elle s’installe finalement au Brésil et mène une grande carrière de photoreporter. Incursions forestières, photos de rue, réflexion sur la féminité, l’exposition présentée à la Maison des peintres met en lumière nombre de ses travaux, éclectiques, et d’une justesse graphique saisissante.


Letizia Battaglia. Quartier Cala. La jeune fille au ballon, Palerme, 1980. Avec l’aimable autorisation de l’Archivio Letizia Battaglia, Palerme

Avec Letizia Battaglia, c’est une autre immense photo journaliste que présente le festival. Sicilienne, elle a documenté l’horreur de la mafia italienne, loin des clichés souvent véhiculés par le cinéma. Elle est ici montrée dans sa réalité la plus abjecte : les morts qui jonchent le sol, les mères qui pleurent leurs enfants, le visage des meurtriers. Photographe humaniste et sociale, son travail saisit aussi la vie quotidienne, les corps frêles de la misère, et la beauté des regards. 


Letizia Battaglia. Giorgio Boris Giuliano, le chef de la Brigade mobile, sur le lieu d’un assassinat, Piazza del Carmine, Palerme, 1978.Avec l’aimable autorisation de l’Archivio Letizia Battaglia, Palerme

Des habitué·e·s d’Arles 

S’il y a beaucoup de jeunes talents à découvrir dans cette édition – il faudra voir l’exposition de Laurence Kubski, celle des élèves de l’ENSP, et passer dans l’Espace Monoprix qui concentrera la plupart des artistes émergent·e·s – Arles n’oublie pas ses « vieux » compagnons de route. On retrouve ainsi Nan Goldin qui vient avec son Syndrome de Stendhal. Une série de diaporamas qui mettent en dialogue des chefs d’œuvres de l’art classique, avec ses proches, ou ses amours. 


Nan Goldin. Diane au bain, 2024. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Gagosian

Moins célèbre peut-être, mais déjà passé par les RencontresTodd Hido présentera à l’espace van Gogh la beauté crue des paysages qu’il aime capter : une maison enneigée aux vitres éclairées, un coucher de soleil embué, des ballons de baudruches aux tons passés… Le photographe américain parvient à saisir la beauté dans l’ennui, et le chaud dans le froid. 

Grand Arles Express

Les Rencontres d’Arles s’exportent également dans les communes de la région avec son programme Grand Arles Express. À la Maison européenne de la photographie (Aix-en-Provence), on peut voir Extérieurs – Annie Ernaux et la Photographie, qui revient sur les liens étroits qui unissent la prix Nobel 2022 et ce média – on pense à son ouvrage Les années, où la photo tient une place centrale. 


Laurence Kubski.
Reconstitution d’un souvenir d’enfance, le concours de vitesse d’escargots, 2024. Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Citons également Lost and Found de Elsa et Johanna au Centre Photo Marseille, qui entend « placer le spectateur dans un espace d’exposition totalement repensé », ou encore Et qu’on ne vienne pas nous dire que le vent chasse tout de Paul Cabanes et Nina Patin, qui se sont aventurés dans le Golfe de Fos et ses paysages industrialo-désertiques. 

NICOLAS SANTUCCI

Les Rencontres d’Arles
Du 7 juillet au 5 octobre
Arles et Région Sud

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