samedi 22 juin 2024
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Simón de la montaña, en avant-première à Marseille

Dans le cadre de la reprise de la 63e Semaine de la Critique cannoise, le cinéma Les Variétés proposait le 8 juin, la projection du premier long métrage de l’Argentin Federico Luis auquel le jury présidé par Sylvie Pialat a décerné le Grand Prix

Un film dérangeant, à la croisée des genres, sur la jeunesse, ses désirs, ses prises de risque. Un regard singulier sur le handicap, la norme et le hors-norme. Et comme l’a promis Ava Cahen, Déléguée générale de la Sélection cannoise, avant la projection, « une expérience immersive » nous téléportant, dès le prologue, dans l’austère Cordillère des Andes, perdus avec un groupe d’adolescents et jeunes adultes neuro-atypiques, au cœur d’une violente tempête qui gronde et hurle, bouscule les corps, brouille les réseaux et floute l’image de poussière. C’est de cette errance, hautement métaphorique, et de ce trouble que va surgir la figure du protagoniste, Simón que la caméra portée ne lâchera plus guère.

Simón a 22 ans. Il vit, entre sa mère lasse et son beau-père déménageur qu’il aide dans ses tournées. Son domicile se trouve près d’un Centre de jour pour jeunes déficients mentaux, qu’il cherche à intégrer bien que n’ayant aucun trouble cognitif.

Ses motivations demeureront ambiguës. Serait-ce pour rompre sa solitude dans ce coin déshérité du pays sans véritable horizon ? Serait-ce pour se choisir une famille quand la sienne ne lui convient pas ? Serait-ce pour obtenir le certificat d’handicap qui assure une allocation mensuelle et des avantages financiers ? Serait-ce par transgression ou perversion ? Pour jouer avec le feu et tenter d’exister en devenant ce qu’il feint d’être ? Toutes les pistes sont ouvertes par le scénario sans qu’aucune ne soit privilégiée. La complexité du personnage admirablement interprété par Lorenzo Ferro dont le visage se déforme à volonté, est au diapason d’un film funambule. Entre le jeu et la vie. Au Centre, on répète Roméo et Juliette mais l’actrice est vraiment amoureuse de son partenaire. Colo, une jeune handicapée, aime Simon mais ce dernier joue-t-il avec elle ? Se joue-t-il d’elle ? Jamais il n’abusera d’elle malgré les propositions de la jeune fille, restant maître de son rôle, dans les situations limites, mais quels sont ses sentiments réels ? Dans son enfance, le père de Simon lui faisait lire Hamlet – et Colo va frôler la noyade : ce doute adolescent existentiel et fatal, n’est-il pas un des fils conducteurs du film. Comme l’est, plus tangible, le sonotone que Colo lui offre. Source d’amplification et de distorsion du son – prolongée par les effets de saturation des guitares électriques – la prothèse auditive lui fait percevoir le monde comme ceux auxquels il voudrait ressembler. Malgré son âpreté – qui l’éloigne des comédies bienveillantes du box office à l’instar du récent Un p’tit truc en plus  d’Artus, Simon de la montaña est une ode à la vitalité de la jeunesse qui ne cherche pas à être aimable mais s’affirme par une mise en scène et une écriture cinématographique très inspirées.

ÉLISE PADOVANI

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