mardi 27 août 2024
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Sur l’autel de la gentrification 

Dans un documentaire captivant, Amélie van Elmbt et Maya Duverdier suivent les derniers résidents du mythique Chelsea Hotel de New York, avant qu’il ne devienne un hôtel de luxe

« Le Chelsea Hotel est le premier endroit où je suis allée à New York parce que Dylan Thomas était un de mes grands héros et avait l’habitude de trainer sur ce toit. Je suis sure qu’il a observé l’Empire State Building, juste là. » C’est Patti Smith, toute jeune, penchée sur le mur d’un toit, que nous rencontrons au début Dreaming Walls, film passionnant d’Amélie van Elmbt et Maya Duverdier. Ce ne sera pas la seule célébrité que nous croiserons. Il y aura aussi Al Pacino, Marilyn Monroe, Oscar Wilde, Salvador Dali, Milos Forman, Leonard Cohen, Janis Joplin… 

Si « tous les immortels du XXe siècle ont séjourné » dans cet hôtel, ce sont les « irréductibles du Chelsea, restés dans l’ombre des artistes et des événements » qui ont intéressé les deux réalisatrices. Elles ont filmé, durant deux ans, des résidents qui vivent et créent toujours dans le chaos du chantier – la rénovation de ce bâtiment érigé entre 1883 a duré plusieurs années. Et c’est une octogénaire, pétillante, appuyée sur son déambulateur qui nous sert de guide : Merle Lister, une chorégraphe, une des pionnières de la danse moderne, pleine de vie, qui parcourt les couloirs, parmi les câbles et les gravats, d’étage en étage. Elle joue avec les bâches en plastique qui cachent peut-être les fantômes des lieux ; toujours active, elle prépare une nouvelle chorégraphie et nous en montre quelques figures. 

© clin d’oeil films

De l’argent pour partir 

On rencontre aussi la peintre Susan Kleinsinger, là depuis les années 1970 : elle avait créé un jardin sur le toit, mais chassée, a été obligée de déménager au premier étage, avec son partenaire, Joe Corey, mort pendant le tournage. Et bien d’autres : l’architecte Nicolas Pappas et sa femme Zoe, le producteur réalisateur Steve Willis… « Chacun a une raison pour vouloir y rester », confie l’artiste Rose Cory, passionnée d’Arthur Rimbaud, qui y vit depuis 1987. On ne sort de ce huis- clos, cet hôtel hanté par ses souvenirs, qu’à la fin du documentaire en compagnie de Bettina Grossman, la personne la plus âgée de l’immeuble, la seule à qui les nouveaux propriétaires n’ont pas proposé d’argent pour déménager, à cause de son grand âge, confie-t-elle, lucidement. Nous la voyons partir à pied dans la 23e Rue, comme elle l’a toujours fait avec son appareil photo. Elle est décédée en 2021…

Voyage poétique entre présent et passé, Dreaming walls nous ramène aussi à une réalité bien contemporaine : alors que le Chelsea Hotel était rapidement devenu une utopie, un havre pour des artistes de la contre-culture – Paul Morrissey et Andy Warhol y ont tourné le film expérimental Chelsea girls par exemple – il est aujourd’hui devenu un hôtel de luxe. On rêvera quand même de gravir les marches de la somptueuse cage d’escalier, accompagné par les fantômes du passé. 

ANNIE GAVA

Dreaming walls, d’Amélie van Elmbt et Maya Duverdier
En salles le 28 août 
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