mardi 18 février 2025
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Un monde en surchauffe

Pour ses dix ans, Opera Mundi dresse un état des lieux de l'écologie. Spoiler : il va falloir mettre les pays riches, les énergies fossiles, l'industrie chimique et autres fabricants de malheur face à leurs responsabilités

Du 27 janvier au 1er février, Marseille a accueilli huit penseurs de l’écologie, à l’invitation d’Opera Mundi, célébrant ainsi les dix ans de son cycle de conférences. C’est la climatologue Valérie Masson-Delmotte qui a ouvert le bal, dans l’auditorium de la Grotte Cosquer. En un discours bien rodé, elle rappelait que le réchauffement climatique, si les émanations de gaz à effet de serre se poursuivent sur la trajectoire actuelle, s’achemine vers une hausse de +3,2°C en moyenne d’ici la fin du siècle. De quoi faire disparaître des écosystèmes entiers et complètement bouleverser la vie sur terre. « Il y a 15 ans, on pensait que le réchauffement toucherait “les générations futures”. On a sous-estimé la vulnérabilité des sociétés humaines, y compris celle des riches californiens. » En d’autres termes, ceux qui, appartenant aux 10 % les plus fortunés, font exploser le bilan carbone de l’humanité, se leurrent s’ils pensent échapper aux conséquences de leurs modes de consommation.

En milieu de semaine, c’est le politologue François Gemenne qui enfonçait le clou en évoquant les interdépendances géopolitiques dans un monde en surchauffe. Avec son charmant accent belge,  taclant les USA de Donald Trump, prêts à forer de plus belle, il soulignait la nécessité d’embrasser notre commune destinée. « Même si nous avons du mal à aller à l’encontre de nos intérêts, dans une époque de grand individualisme », il faut faire face à un danger collectif, qui ne frappera pas que les petits États insulaires…

Science à vendre 

Le dernier jour, dans la bibliothèque du Conservatoire de musique, le biologiste Pierre-Henri Gouyon a mis l’accent sur l’effondrement de la biodiversité. Un phénomène qui passe souvent après le climat dans les urgences à affronter, alors que les deux sont liés, dans une dégradation catastrophique. La faute, en partie, aux mercenaires de la science, payés pour mentir à la population. « Bayer et Sygenta rémunèrent mieux que le CNRS. Il est ensuite facile de faire entrer les marchands de doute sur la toxicité des pesticides dans les instances intergouvernementales telles que l’IPBES, le Giec de la biodiversité. » L’agriculture industrielle mène une guerre contre la nature, avec des moyens colossaux. « On vous dit que c’est pour nourrir la planète ; c’est faux. Ce sont les inégalités qui sont responsables de la faim et la malnutrition. » 

Dans son viseur, l’idéologie du progrès qui imprègne encore les formations scientifiques. « Il est très courant chez les chercheurs de penser qu’ils n’ont pas d’idéologie, qu’ils sont “dans la rationalité”. Mais Irène Frachon, la pneumologue qui a lancé l’alerte sur le Mediator, a eu des ennuis pendant des années avec la communauté scientifique soit disant “rationnelle”. » Quand le solutionnisme chimique ou technologique converge avec les intérêts économiques, la voie est pavée pour le désastre. « Mon ami Bernard Maris, assassiné en 2015 lors des attentats de Charlie Hebdo, me le disait : il ne faut pas donner le pouvoir aux économistes sur la biodiversité par la financiarisation ; ils aiment ce qui est rare, parce que c’est cher. » Mais dans un monde où le vivant est drastiquement appauvri, il n’y aura pas de fortune qui tienne.

GAËLLE CLOAREC

Le festival Opera Mundi 10 ans s’est tenu du 27 janvier au 1er février à Marseille. 

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