Alors que les cigales se livrent à leurs harmonies dans les grands arbres du parc de Florans, les premières notes du festival mythique de La Roque d’Anthéron ouvrent le mois d’effervescences musicales de l’été. Ce n’est pas le piano qui résonne d’abord, il faut une préparation, « s’habiller le cœur » comme le disait le Renard au Petit Prince de Saint-Exupéry. L’Orchestre de chambre de Paris dirigé de l’archet par le violoniste et soliste Gordan Nikolić interprétait d’abord le Concerto pour violon et orchestre n° 4 en ré majeur K. 218 de Mozart. La musique un peu lointaine, d’une grande qualité d’écriture mélodique, était servie avec une infinie douceur par l’orchestre et le soliste qui s’emporte avec une passion bondissante qui le suivra même assis dans les pièces suivantes.
Sublime simplicité
Le temps d’un changement de configuration, le Steinway de concert était installé pour une autre œuvre de jeunesse de Mozart, le Concerto pour piano et orchestre n° 9 en mi bémol majeur K.271 « Jeune homme ». Attendue par une salle bondée, la mozartienne Maria João Pires lui réserva un moment suspendu : aucune recherche de démonstration virtuose, une approche précise de la partition, une lecture de l’œuvre qui la rend d’une évidence confondante. Tout s’articule en un lumineux dépouillement. « Rien de trop », tout est déjà là, puissant, coloré, nuancé. La soliste donne les premières mesures, vite rejointe par un orchestre galvanisé par sa présence. Rarement les artistes éblouissent de cette manière : pas besoin de détour par des acrobaties vertigineuses qui transportent les amateurs de rodéo pianistique ! La noblesse du ton, la souplesse du chant, la délicatesse du jeu, dialoguent avec élégance avec l’orchestre, servent les cadences avec brio. Juste parfaite ! La pianiste offrit à la salle enthousiaste l’andante de la Sonate pour piano n° 10 en do majeur de son cher Mozart, inventivité subtile, modulations aériennes… de l’émotion à l’état pur.
Petite symphonie
Après l’entracte, l’Orchestre de chambre de Paris proposait la courte (26 minutes) et ciselée Symphonie n° 8 en fa majeur opus 93 de Beethoven. On pouvait s’amuser à retrouver ici et là des accents propres à Mozart ou Haydn, hommage du compositeur à ses prédécesseurs ? Quittant les cors naturels pour les cors d’harmonie comme afin de célébrer une entrée de plain-pied dans un autre siècle, la couleur de l’orchestre s’en voyait changée, les instruments brillants gagnent alors en netteté dans leurs phrasés. La beauté rigoureuse de l’œuvre, sa forme condensée, sont magnifiées par une interprétation flamboyante qui sait aussi bien se glisser dans les échos de la Pastorale que dans un finale pyrotechnique. Le public en redemande, et l’Andante de l’Orfeo et Euridice de Gluck, sublime, referme la soirée.
MARYVONNE COLOMBANI
Le 20 juillet Parc de Florans, La Roque d’Anthéron