À Marseille du 11 au 18 octobre, la 17e édition de la Semaine de la Pop Philosophie fait « l’éloge de la complexité, face au simplisme et au populisme »
Quand on tape « complexité » dans Crisco, le fort pratique dictionnaire des synonymes en ligne de l’Université de Caen, ce sont les mots « complication, intrication, sophistication, enchevêtrement », ou encore « imbroglio » qui apparaissent. Pas les plus positifs des termes. Quant aux antonymes, « facilité, simplesse, simplicité », ils révèlent plus encore à quel point l’être humain rechigne à l’effort qu’impliquent les doutes et la nuance. Or, comme nous y invite Edgar Morin dans son message d’introduction à la Semaine de la Pop Philosophie, qu’il parraine cette année, il faut savoir se mesurer à la complexité. D’autant plus quand le mot, « absorbé par le discours médiatique et managérial, court le risque d’être aujourd’hui galvaudé ». Peut-être, pressent-il, « sommes-nous déjà entrés dans l’ère d’une certaine “post-complexité”, où elle doit être repensée, revitalisée. »
Complexifier, décomplexifier, qu’ils disaient…
Pour entrer dans le vif du sujet, la soirée d’ouverture de cette XVIIe Saison consacrée à « l’éloge de la complexité, face au simplisme et au populisme », portera sur un outil souvent accusé de réduire le débat démocratique à un « pour ou contre » instrumentalisé : le référendum. Le 11 octobre, deux sociologues, Michel Wieviorka et Magali Della Sudda, en détailleront les enjeux avec Antoine Chollet, chercheur au Centre d’histoire des idées politiques et des institutions de l’Université de Lausanne. Une rencontre animée par Rémi Baille, membre de la revue Esprit.
Décidément, dans la foulée du récent festival Allez Savoir, les graves emballements algorithmiques de la désinformation préoccupent la pensée contemporaine : le 13 octobre, aux Archives et Bibliothèque Départementales Gaston Defferre, Séverine Falkowicz, maître de conférence en psychologie sociale, et Alexander Samuel, biologiste, s’interrogeront sur l’auto-défense intellectuelle : « Quand la vérité ne triomphe plus : comment déjouer la mécanique des fausses croyances ? ». Le politiste Julien Giry décortiquera quant à lui l’expression « fake news » au prisme des sciences sociales.
Autre beau morceau de cette édition, trois conférences modérées par Jean-François Dortier, fondateur de la revue Sciences Humaines, le 15 octobre à la bibliothèque de l’Alcazar. Une approche de la complexité par la physique… et l’économie, avec Marc Halevy et Pablo Jensen. Il sera intéressant de voir les dessous du libéralisme, credo qui conçoit notre système « comme le produit spontané des actions individuelles, dont la complexité résultante dépasse notre entendement, et dont il faudrait déléguer la gouvernance aux marchés ». Point culminant de la soirée, l’intervention de Barbara Stiegler, qui s’exprimera avec l’esprit vif qui la caractérise sur La philosophie et la haine de la démocratie.
Revenir à l’essentiel
Et si, pour y voir clair dans un monde devenu illisible, où les crises – politiques, sociales, écologiques, humanitaires – s’imbriquent et s’exacerbent, il était urgent de revenir aux fondamentaux ? « Philosopher, c’est apprendre à mourir », affirmait Michel de Montaigne, dans un siècle où l’intolérance, notamment religieuse, atteignait aussi des niveaux spectaculaires. Un exercice de liberté pour « désapprendre à servir », puisque si nous entretenons la crainte de la mort, nous ne développons pas l’esprit critique qui nous fait aspirer à bien vivre, ensemble. Le 17 octobre, dans la belle salle lambrissée, aux parquets craquants, du Muséum d’histoire naturelle, non loin des animaux empaillés, il devrait être passionnant d’écouter le philosophe Stanislas Deprez échanger avec sa consœur Julie Beauté sur les promesses d’éternité du transhumanisme. Car si ce mouvement, entraîné par les « tech bros » de la Silicon Valley, revendique des bases scientifiques, il prospère plutôt sur un terreau puéril, pétri de religiosité.
L’élan vers une « humanité augmentée » a de forts relents eugénistes : cette conférence entrera donc fortement en résonance avec celle du 15 octobre, à la Villa Bagatelle (Mairie des 6e et 8e arrondissements de Marseille). Bernard Binétruy, directeur de recherche émérite à l’Inserm, dézinguera les thèses racistes qui circulent à nouveau dans les milieux d’extrême droite : la notion de race dans l’espèce humaine n’a pas de sens biologique. Il faut encore le dire…
GAËLLE CLOAREC
Semaine de la Pop Philosophie
Du 11 au 18 octobre
Divers lieux, Marseille