« Je m’appelle Fatima. Je porte le nom d’un personnage symbolique en Islam. Je porte un nom auquel il faut rendre honneur. Un nom qu’il ne faut pas “salir” comme on dit chez moi. Chez moi, salir c’est déshonorer. » C’est ainsi que commence le roman de Fatima Daas, La petite dernière, que vient d’adapter Hafsia Herzi [Lire notre entretien ici], son troisième long métrage après Tu mérites un amour et Bonne mère.
Une jeune fille qui fait ses ablutions et sa prière matinale est la séquence initiale du film de cette cinéaste qui, on le sait, filme avec talent les scènes du quotidien. Une journée de printemps comme les autres dans un appartement de banlieue ; une mère et ses trois filles dont Fatima, la petite dernière, autour de la table du petit déjeuner et le père sur un canapé à qui on apporte son café.
Fatima, qui aime la littérature, est le plus souvent en jogging car elle pratique le foot, mais on lui conseille d’être plus « féminine ». Elle réussit son bac – fierté de sa mère – mais qui,étouffant ce qu’elle est, souffre de crises d’asthme. Elle réussit à rompre avec le garçon qui veut l’épouser, puis s’inscrit sur un site de rencontres de filles, sous de faux noms et commence à fréquenter des bars de nuit, des lieux lesbiens.
Un jour, elle tombe amoureuse d’une infirmière rencontrée à « l’école de l’asthme », Ji-Na (Ji-Min Park). Tout n’est pas simple et d’un printemps à l’autre, on va suivre cette fille qui découvre l’amour, son corps. On partage sa vie : les cours de philosophie, ses nouveaux amis étudiants, ses découvertes, ses questionnements, ses doutes, ses chagrins.
Musique des corps
La caméra de Jérémy Attard ne la lâche pas ; elle est de tous les plans dans les repas familiaux, les fêtes étudiantes, les soirées lesbiennes embrasées, la manif des fiertés. Fatima c’est Nadia Melliti, éblouissante dans son premier rôle au cinéma, qui lui a valu le Prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes. Souvent filmée en gros plan, elle a su rendre perceptibles tous les sentiments contradictoires qui l’agitent, toutes les émotions qui l’assaillent. La musique d’Amine Bouhafa, discrète, relaie la musique des corps filmés avec beaucoup de sensualité et de pudeur.
Tantôt drôle comme la séquence où elle reçoit un cours de « spécialités lesbiennes » ou émouvant comme celle avec sa mère au moment de son anniversaire, La petite dernière est un film attachant. Hafsia Herzi a su traiter avec sensibilité un sujet délicat et essentiel ; comment une femme lesbienne, arabe et musulmane peut trouver sa liberté et son épanouissement,comment sortir de la « servitude volontaire. »
ANNIE GAVA
La petite dernière, de Hafsia Herzi
En salles le 22 octobre
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