« Ça fait comment d’être amoureux ? » s’interroge Elias du haut de ses 13 ans. Son père, un crooner un peu ringard, gloire de ce petit coin rural de Flandre, chante que l’amour « c’est magique, c’est fantastique ». Sa mère, attentive à son égocentrique de mari et à ses deux fils, donne au jeune Elias l’image d’un amour conjugal et maternel inconditionnels. Son grand-père, celle du chagrin inconsolable que le deuil d’un être adoré fait endurer à jamais. Au lycée, en cours de littérature, on parle d’amour courtois et de rêves. On aime Roméo et Juliette avec Di Caprio. Autour de l’adolescent, les couples se forment « naturellement ». Platoniques pour la plupart. Premières approches en éclaboussures de rires, en danses et en jeux.
Comme ses copains, Elias a une petite amie mais ce sentiment amoureux dont on parle tant ne le lui sera révélé qu’avec l’arrivée d’Alexander (Marius De Saeger), son nouveau voisin venu avec son père et sa petite sœur de Bruxelles. Alexander est beau, libre. Il intègre la classe d’Elias, son groupe d’amis, et bouleverse la vie du jeune garçon qui ne comprend pas ce qui lui arrive. C’est à cette initiation sentimentale que s’intéresse le réalisateur et au vain combat d’Elias pour lutter contre son désir irrépressible « d’être avec Alexander ». Car, bien que ne vivant pas dans un milieu homophobe, bien que l’insulte de « tafiole » ne soit proférée que par quelques rares crétins du village, bien qu’entouré de gens aimants et bienveillants, Elias s’interdit cet amour qui n’est pas dans la « norme » et dont il a honte.
Il passe de l’ivresse des moments partagés avec Alexander qui connaît et accepte son orientation sexuelle, à la douleur du refus, du repli, du déni. Elias porte en lui un jeune cœur trop gros pour sa poitrine, prêt à imploser ou exploser. Tension intime, portée par l’interprétation remarquable de Lou Goossens, et que le réalisateur parvient à faire éprouver au spectateur quelque soit son âge.
Un film qui s’assume
Young Hearts est un mélo efficace, un film sincère, solaire, jalonné des passages obligés d’une love story : premiers regards, cristallisation et esquives, échappées belles en bicyclette dans une nature luxuriante, généreuse et complice, « baisers volés », « cheveux au vent », baignades joyeuses en rivière, découverte d’un lieu secret – ici une maison abandonnée semblable au domaine mystérieux du Grand Meaulnes, et même une sorte de voyage de noces dans le fief bruxellois d’Alexander. L’issue en sera forcément heureuse : le coming of age passant par un coming out.
Présenté à la Berlinale 2024, cette romance queer tous publics, musicale et colorée, est sensible sans être totalement mièvre. Mais comme le disait Truffaut à propos des chansons d’amour qu’il adorait : « plus elles sont bêtes, plus elles sont vraies ». Ce film,plus subtil qu’il n’y paraît, assume.
ÉLISE PADOVANI
Young Hearts, de Anthony Shatteman
En salles le 19 février