L’académicienne et philosophe Barbara Cassin a de la suite dans les idées. Après avoir conçu, avec le Mucem en 2016-17, l’exposition Après Babel, traduire, elle a, dans la foulée, initié le projet des Maisons de la sagesse dont le but est de créer en France des espaces d’échanges, autour de la traduction et de la transmission des cultures. Aujourd’hui, elle propose avec Objets migrateurs, à la Vieille Charité, une exposition qui continue d’alimenter, de questionner et de promouvoir ce goût de l’accueil et de la curiosité de l’autre. Et qui cherche à la fois à complexifier et à dédiaboliser l’idée de migration, tout en s’interrogeant sur « les idées de centre et de périphérie, d’original et de copie, de même et d’autre, de musée et d’objet de musée ».
Le ton est donné dès la chapelle Puget, où sont notamment mis en présence la barque solaire égyptienne, représentée sur une stèle funéraire, Ulysse, sur une céramique antique, naviguant sur deux amphores, et un eco-boat construit en bouteilles de plastique par une ONG au Cameroun. Une mise en écho entre proche et lointain, questionnements sur la nature et la fonction des objets, que l’on retrouve dans les sept sections de l’exposition. Tout autour de ces premiers rapprochements, des périples et des exils, anciens et contemporains, la traite négrière. La salle suivante évoque les questions liées à l’accueil et à l’administration de l’immigration en France, en formulaires, glossaires, installations artistiques, pour basculer, plus précisément ensuite, sur les objets : mémoriels et/ou commerciaux avec une série de vis-à-vis, exemple de porte-bonheurs modernes et d’amulettes antiques, etc. Puis des interrogations sur l’inspiration, la contrefaçon, le faux, la valeur. Sur le mélange, le métissage, le syncrétisme – on y retrouve le Zeus-Ammon, marbre du 1er siècle avant JC, de l’affiche de l’exposition. Les dernières salles regardent l’institution muséale, sa fonction et son histoire, avec les « Objets à l’arrêt », partie de l’exposition où se situe un cabinet de curiosités re-inventé, dans lequel figurent notamment un ballon de l’OM de 1993 et une photo du Sars-Cov2. On arrive après quelques exemples d’œuvres liées à des spoliations et de restitutions, au projet de « muséobanque », dispositif original fondé en Afrique, associant dépôt d’objet, récit mémoriel et micro-crédit, repris par les Maisons de la sagesse « pour penser autrement l’idée de valeur ».
MARC VOIRY
Objets migrateurs – Trésors sous influences
Jusqu’au 8 octobre
Centre de la Vieille Charité, Marseille
vieille-charite-marseille.com