Zibeline. La Pride, dans l’esprit de tous, c’est une Marche, et des événements festifs. Pourtant à Marseille la programmation artistique associée semble prendre de l’ampleur. Est-ce votre volonté ?
Didier Garcia. La Pride fête ses trente ans à Marseille, et la programmation culturelle associée existe, sous cette forme, depuis quatre ans. Au départ, il s’agissait pour le comité de pilotage de fédérer et rendre visibles les initiatives des associations et des commerces LGBTQI+, initiatives essentiellement festives, ou réflexives, militantes. On s’est dit l’an denier que ce serait bien d’y ajouter des propositions artistiques portées directement par le comité de pilotage, et liées aux activités que nous avons à l’année.
En quoi sont-elles différentes de celles des associations ?
Elles ne sont pas différentes, elles les complètent ! On essaie de s’ouvrir sur tous les genres artistiques et de travailler avec les opérateurs culturels du territoire. L’an dernier avec les Instants Videos, cette année avec le Ballet national de Marseille, qui assurera l’arrivée de la marche à la mairie. On essaie aussi de fédérer : le mouvement drag est très présent à Marseille, porté par des associations nombreuses. Il faut se méfier de la concurrence dans ces cas-là, et notre soirée drag les regroupe tous. On en est assez fiers !
Ces événements sont-ils surtout destinés aux communautés LGBTQI+, ou ont-ils vocation à médiatiser ces questions au-delà ?
Le deux ! Les LGBTQI+ ont besoin de se retrouver autour des problématiques qu’ils partagent, de se pencher aussi sur les spécificités des autres branches du mouvement, identité de genre, homoparentalité, préférences sexuelles, réfugiés, LGBT… Mais nous voulons aussi des événements culturels qui se partagent avec tous nos alliés, et qui ouvrent les yeux de ceux qui ne le sont pas.
Qui parlent donc de toutes les questions L, G, B, T et plus ?
Oui, on essaie d’être le plus inclusif possible. On sollicite toutes les « lettres », mais certains répondent peu, les « bi » en particulier qui restent éloignés de la militance, et dans une moindre mesure les jeunes lesbiennes qui en ce moment semblent davantage préoccupées par la construction de familles, ou le combat féministe, que par la Pride. Mais attention, on n’est pas que des gays blancs ! À Marseille, nous voulons mettre en lumière les communautés qui sont les plus en difficulté, en particulier les racisés, les réfugiés, les jeunes en rupture familiale, les trans.
À propos des trans, est-ce que la médiatisation actuelle des questions de genre déplace les habitudes et point de vue du comité de pilotage de la Pride ? Est ce qu’on a évolué de la notion de préférence sexuelle vers celle d’une définition, intime, de son propre genre ?
Ces questions ne sont pas nouvelles pour nous. Transat propose des événements et l’association est très active dans le comité de pilotage, qui change chaque année. Nous genrons chacun comme il le désire. Mais nous voulons rester davantage dans la fabrique des choses que dans la discussion théorique.
Qu’avez-vous programmé ensemble ?
La projection de trois films au Pathé Madeleine, Tom Boy le 27 juin, parce que certains ne l’ont toujours pas vu, Nuit noire en Anatolie le 30 juin, qui résonne particulièrement aujourd’hui avec la réélection d’Erdogan et la catastrophe que cela induit pour les LGBT en Turquie, et Last Dance le 26 juin, un film très émouvant sur la dernière prestation de drag de Vince, aka Lady Vinsantos. On projette aussi Guet-Apens le documentaire de Mediapart sur les violences homophobes aujourd’hui, avec un débat en présence des réalisateurs. Une soirée importante pour parler de leur recrudescence incroyable, qui passe sous les radars des médias.
Des expos sont installées à Marseille 3013…
Oui, c’est notre QG depuis samedi 17 juin. Il y a plusieurs expositions : Ordinaire, des portraits de migrants LGBT photographiés par Adel Nouar. On accède à leurs voix, à leurs récits de vies avec un QR code. Indivisibles et Visibles, une exposition de, par et pour les jeunes du Refuge,en butte au rejet familial. Familia, une exposition de Mag Rodrigues, proposée par le consulat du Portugal, sur l’homoparentalité. La photographe portugaise s’attache à montrer la normalité de ces familles dans leur foyer. Une installation vidéo de la compagnie Essevesse, La Commedia, autour de la Comédie de Dante, qui donnera lieu à une performance dansée le 2 juillet. Et Les 30 Glorieux·ses, une exposition de Sun Afrika aka Gemma Muse, un·e artiste pluridisciplinaire, qui se photographie en Vénus naissant dans la fontaine de Longchamp et s’expose, solaire… Iel est aussi DJ, racisé·e, militant·e, et extrêmement positif·ve et joyeux·se !
Puis, avant la Marche, l’événement sur les escaliers de Saint-Charles ?
Oui, une pluie arc-en-ciel d’événements de rue, déploiement des couleurs du rainbow flag avec de grandes voiles, pour fêter les trente ans de la marche à l’endroit où elle a commencé. Et mesurer le chemin parcouru, même s’il reste long encore.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
Pride 2 weeks
Programmation culturelle de la Pride Marseille
Jusqu’au 2 juillet
Pride-marseile.com