La conférence gesticulée de Nadège de Vaulx(-en-Velin)s’ouvre sur un désopilant défilé : dument maquillée et parée, la jeune femme emprunte sa gestuelle à Brigitte Bardot, Catherine Deneuve ou on ne sait trop quelle française qu’on croirait tout droit sortie d’Emily in Paris. Française, Nadège ne l’est que très partiellement : selon la tradition algérienne, elle aurait même dû porter le nom de sa grand-mère morte peu de temps avant sa propre naissance, Aïcha. Mais sa mère, franco-algérienne, en aura décidé autrement. De même que son père, également algérien, rêvant pour sa fille d’une intégration vantée par la France d’alors, celle des années 1980 et 90. Quitte à voir s’ouvrir sous ses pieds un abîme de nostalgie en constatant que ses filles, adultes, propulsées « grandes diplomates » dès leur premier stage à l’étranger, n’ont rien conservé de leur pays d’origine : ni sa langue, ni sa culture. Les années traversées rétrospectivement par Nadège suscitent une colère saine : d’autant que, rappellera-t-elle amèrement, quarante ans après la marche pour l’égalité et contre le racisme, les violences policières ne semblent jamais s’être aussi bien portées. Le tout est jalonné de saillies humoristiques irrésistibles, jamais dénuées de gravité : mention spéciale à ce « quizz raciste » annoncé à coup de pas chassés et éventage de drapeau sur le générique de Fort Boyard.
Suzanne Canessa
« J’aurais dû m’appeler Aïcha » est jouée au Marseillais jusqu’au 16 juillet.