La Villa a une histoire particulière, liée à l’Angleterre, et à la modernité : le Mas Bocage, comme il s’appelait alors, était un domaine agricole, qui fut racheté et aménagé par des aristocrates anglais quand Hyères était une station de villégiature prisée par la reine Victoria, mais aussi par des écrivains comme Henry James, Stevenson ou Conrad qui y ont séjourné, et écrit.
L’esprit de modernité anglais perdure dans le parc de trois hectares, acquis depuis dix ans par Marie-Magdeleine Lessana, psychanalyste, écrivaine et mécène amie des artistes.
C’est la troisième exposition qu’elle ouvre dans son musée privé. Après Richard Ballard l’an dernier, et des artistEs sétoises au printemps, c’est à la peintre Aïda Karabelian qu’elle offre ses cimaises.
Fantômes des génocides
On est d’emblée frappé par l’étrange tonalité des êtres qui peuplent ces tableaux. Formes immobiles, comme écrasées par un poids intérieur, ces figures aux contours flous comme des apparitions fixent cependant le regardeur très précisément, ancrant leurs yeux dans les siens, comme un reproche, une plainte, un appel. Figures humaines ou hybrides, elles ont les pieds nus des exils, et semblent empesées par des couleurs chaudes qui les brûlent, des fumées qui s’échappent, des ciels jamais bleus, des horizons quadrillés.
D’origine arménienne, Aïda Kebadian semble porter en elle toute la mémoire et le poids du génocide, et du pays perdu. Un génocide auquel sa ma mère a assisté, mais qu’elle évoque moins. Passionnée par la peinture de sa fille, s’y est mise à son tour, à 73 ans et jusqu’à sa mort en 1995, produisant des oeuvres plus claires, employant des couleurs pures, évoquant un pays perdu avec plus de joie, et de nostalgie. Un pays que Chouchan Kebadian regrettait mais connaissait, ce qui est peut être une forme moins douloureuse d’exil.
AGNES FRESCHEL
Aïda Kébadian Chouchan Kébadian Jusqu’au 17 septembre (Du jeudi au dimanche) Villa Magdala Hyères villamagdala.fr