Ce n’est pas une pièce de théâtre, ni même une performance ou une promenade. C’est un peu à tout cela à la fois que nous invitent Caroline Barneaud et Stefen Kaegi le temps d’une fin de journée. Une parenthèse contemplative pour s’arrêter et observer un instant ces paysages que nous ne faisons que traverser.
Sur le plateau de Pujaut, un bois touffu, un vignoble ou un promontoire sur la vallée deviennent la scène éphémère de sept propositions artistiques. Inégales, souvent inachevées ou frustrantes, comme si la déception de l’attente et l’effleurement des formes était un principe.
La première scène invite les spectateurs à s’allonger sur le versant d’une colline et à écouter la joyeuse discussion entre une enfant, un météorologue, un garde forestier, une chanteuse ukrainienne et une psychologue. Eux aussi sont, comme leur auditoire, au milieu du bois et de ses bruits. Ils débattent de questions existentielles -la peur, la mort- ou plus concrètes -les feux de forêts ou les avions.
L’audio se termine à peine que plusieurs musiciens commencent à jouer, allongés et cachés dans les arbustes. Ces intermèdes musicaux composés pour l’occasion par Ari Benjamin Meyers pour flûte, tuba, saxophone, trombone et trompette s’adressent aux arbres, à l’air, aux oiseaux, à la terre.
Paysages augmentés
Un peu plus loin, le spectateur-promeneur est invité à enfiler un casque de réalité virtuelle. Ironique, dans ce cadre sauvage ? Le décalage opère pourtant, tant cette expérience invite à repenser le paysage. Embarqué à bord d’un drone, le public effectue un survol stationnaire virtuel du plateau qui lui permet de repenser l’horizontalité du paysage pour l’appréhender dans sa verticalité. Une mise en perspective qui n’oublie pas de souligner combien les « ressources naturelles » sont attaquées et convoitées.
Car un des enjeux de Paysages Partagés est de mieux comprendre cet environnement dit naturel grâce à la technologie. Au lieu d’opposer l’artifice technologique et la nature vierge, l’œuvre humaine artistique et scientifique, le parti est pris de les combiner, et d’enrichir les regards. Même si ces centaines de personnes, casques sur les oreilles ou masque de réalité virtuelle sur la tête surprennent les promeneurs de passage qui les observent d’un air ahuri !
Pourtant, le peu de comédiens présents au fil des étapes déçoit globalement. Trois d’entre eux donnent tout de même une captivante conférence théâtrale au milieu des vignes. On y parle, joyeusement, agriculture et chant d’oiseaux. Et la dernière pièce change totalement la donne. Après avoir été le centre d’attention toute la journée, c’est la nature elle-même qui prend la parole et se rebelle, refuse la destruction engendrée par les humains et ne veut plus être notre « paysage partagé ».
RAFAEL BENABDELMOUMENE
Paysages partagés se tenait jusqu’au 16 juillet à Pujaut.