« Le fantôme de Rachid Taha nous hante » est-il écrit sur la pochette du disque. Le spectre de cette figure populaire qui mélangeait raï algérien et rock français, décédée en 2018, plane tout au long des neuf morceaux que compte le disque. Sur la scène de l’Espace Julien (Marseille), les artistes Rodolphe Burger, Mehdi Haddab et Sofiane Saidi entendent rendre hommage à celui qui les a réunis.
Ils viennent de France ou d’Algérie. Ou plus précisément de Malakoff ou du Sahara comme le proclame haut et fort le titre éponyme de l’album. Plutôt que de mentionner Paris ou Oran, ils se concentrent sur ces périphéries oubliées voire méprisées de leurs pays respectifs. Cette ville tranquille de la banlieue sud de Paris entre en résonance avec le Sahara, désert humain où s’évaporent nos différences.
Célébrer ce qui lie et non ce qui sépare
Plus rap et politique, le morceau La Terre Feu (Que sera votre vie ?) fait peser une ambiance de western sur fond de guitare et oud électriques. La désillusion vis-à-vis de la gauche au pouvoir se fait également ressentir. Elle « essaiera de temps en temps » chante de sa voix monocorde un Rodolphe Burger désabusé. Quant à « la droite » ? Il ne prend pas la peine de terminer sa phrase comme pour signifier qu’il n’attend plus rien d’elle.
Car le raï est avant tout politique. Symbole de l’oppression subie par les paysans fellahs de l’Ouest Algérien sous l’empire colonial français, le mot signifie « opinion » ou « jugement » selon les traductions de l’arabe vers le français. Mais il n’est pas question de traduire pour les trois compères. Les deux langues se mêlent dans une transe sensuelle alliant le rock indé d’un Rodolphe Burger au raï envoûtant d’un Sofiane Saidi sur fond d’oud électrique et électrisant d’un Mehdi Haddab.
Cet « hydre à trois têtes », comme ils aiment à s’appeler, célèbre ce qui les lie plutôt que ce qui les sépare. Leurs inspirations sont nombreuses dans ce domaine : des grands maîtres du raï comme Khaled et Cheb Mami aux figures plus contemporaines comme Acid Arab, dont la présence fut remarquée l’an passé aux Rencontres d’Averroès. À noter l’absence de voix féminines dans les influences comme sur l’album… dommage pour un groupe qui s’appelle Mademoiselle.
GARIS GENTET
Mademoiselle
18 novembre à 20 heures
Espace Julien, Marseille