Il reste très peu de ballets attachés à des maisons d’opéras, huit en France si l’on exclut Monaco et Paris. Celui d’Avignon est dirigé depuis 2021 par Emilio Calcagno, ancien danseur et pédagogue du Ballet Preljocaj, et très fin analyste des esthétiques et histoires de la danse et de la musique.
Il n’est pas simple d’hériter d’un ballet d’opéra sans véritable répertoire, avec 12 danseurs aux techniques de corps classiques, et la mission de danser pour des productions scéniques où les ballets sont de plus en plus rares. Il fallait cette finesse d’analyse pour emmener doucement le Ballet d’Avignon du répertoire opératique, romantique donc même si on le dit « classique », vers la création contemporaine. Pour cela, depuis son arrivée en 2021, Emilio Calcagno invite des chorégraphes prestigieux tels que Carolyn Carlson, Olivier Dubois, Hervé Kouby ou Leila Ka… et crée lui même des ballets sur mesure pour les corps de ses interprètes.
Au printemps du siècle
D’un matin de printemps, spectacle proposé par la Scène Nationale de Sète après le succès de ses pièces Catania et Isola données la saison dernière, a été créé en octobre à l’Opéra d’Avignon. Emilio Calcagno s’y attache à chorégraphier sa vision de la musique française du début du 20e siècle. Ravel, Debussy, Satie, Fauré et Lili Boulanger offrent une belle unité harmonique dans leurs modalités subtiles, au printemps d’un siècle qui se détachait du romantisme et des lyrismes italiens et allemands. Une musique qui regarde vers le jazz pour Ravel, l’impressionnisme pour Debussy, l’humour pour Satie, la nature pour Lili Boulanger, dont la pièce D’un matin de printemps donne son titre au spectacle…. jusqu’à Messian qui emmènera la musique française vers des ports plus exotiques, exaltés et contemporains.
Attentif aux différents univers, et à leurs proximités, Emilio Calcagno a conçu un programme en tableaux successifs inspirés des diverses esthétiques chorégraphiques qui naissaient ou persistaient à l’époque : un trio néo-classique, une danse plus résolument moderne et libre, ou plus théâtrale, virtuose ou lascive… La création musicale de Matteo Franceschini relie les tableaux de ses nappes électroniques pulsées d’un autre rythme, dans une scénographie, faite de reflets et d’étages.
AGNES FRESCHEL
Un matin de printemps
Le 3 décembre à 16h
Théâtre Molière, Scène Nationale de Sète